Cette chanson, personne ne s’en souvenait! À Universal Music France, personne n’en avait connaissance. Raphaël Hamburger, le fils de France Gall et Michel Berger, n’en avait jamais entendu parler.
Et pour cause, comme souvent, la bande sur laquelle elle figurait n’était pas indexée correctement!
« Les ingés sons étaient souvent sous l’eau, ils se concentraient sur les bandes des chansons qui allaient bien figurer sur l’album final et ne faisaient pas le travail minutieux qu’il fallait pour bien indexer les chansons restantes quand il y en avait », décrypte Xavier Perrot à BFMTV.
Le responsable artistique du catalogue de Johnny Hallyday à Universal Music précise « il y a 150.000 bandes audios dans les archives de la major, ce n’est donc pas facile de trouver quelque chose… dont on ignore l’existence! »
Depuis la mort de Johnny Hallyday (on célébrera ce vendredi 5 décembre les 8 ans de sa disparition), Universal se replonge dans une année d’archives par an. Cette année, c’est la saison 1984-1985 qui a été passée au peigne fin. L’idée? Remastériser l’album culte « Rock’n’roll attitude », paru il y a quarante ans, en juin 1985.
Au printemps dernier, les équipes de la maison de disques ont découvert avec stupéfaction une bande audio qui était mal rangée, qui n’était même pas sur l’étagère de Johnny. « Elle était bien à l’abri, bien conservée auprès de bandes d’un autre artiste et sans aucune information particulière », précise Xavier Perrot. Quand il écoute la bande, c’est la stupéfaction.
Ce titre oublié et inédit s’intitule C’est l’amour que j’attendais. On peut l’écouter sur les plateformes de streaming depuis ce vendredi après-midi, mais elle a été enregistrée en avril 1985, à Montréal au Canada!
L’échappée québécoise de Johnny Hallyday
A l’époque, Johnny Hallyday a décidé de suivre sa compagne au Québec. La comédienne Nathalie Baye y tourne Lune de Miel de Patrick Jamain. Johnny se dit que c’est une bonne idée de quitter Paris, ses copains et ses dérives pendant quelques semaines. Il réserve donc le Studio Tempo (avenue McGill College, en plein centre-ville de Montréal) pour poursuivre et terminer l’enregistrement de ce qui deviendra son 34ème album studio.
Un disque majeur dans la discographie de Johnny. Les années précédentes, le rockeur ramait un peu et se cherchait artistiquement. Perdu dans les sonorités des eighties, Johnny avait du mal à entrer dans cette nouvelle décennie. Cet album va tout changer et va relancer sa carrière grâce à des succès comme Le chanteur abandonné, Rock’n’roll attitude ou l’immense Quelque chose de Tennessee.
Derrière ces tubes se cache un seul homme: Michel Berger. Tout l’oppose à Johnny et pourtant leur collaboration va faire des étincelles. Quelques mois auparavant, Nathalie Baye propose à son compagnon cette idée folle: « et si tu demandais à Michel de t’écrire des chansons? ».
Depuis quelques années, cet auteur-compositeur-interprète de talent commence à signer des chansons populaires comme La Groupie du pianiste, Celui qui chante, Quelques mots d’amour ou Les Princes des villes. Surtout, Michel Berger enchaine les énormes tubes pour son épouse, la chanteuse France Gall… grande amie de Nathalie Baye!
Johnny et Michel se sont déjà croisés, mais leurs différences sont telles qu’ils n’ont jamais vraiment sympathisé. Aussi timides et réservés l’un que l’autre, ils n’ont pas vraiment pris le temps d’apprendre à se connaître. Ce sont donc les compagnes qui vont organiser le rapprochement amical et musical. Ils vont même partir en vacances ensemble. Au bout de quelques mois, les quelques chansons que Michel devait écrire pour Johnny vont se transformer en un projet intégralement écrit, composé et réalisé par Berger.
Le portrait d’une star fragile qu’on ne le croit
Le chanteur d’Écoute la musique a pris le temps… d’écouter Johnny. Il lui a donc préparé un album sur-mesure dont les paroles résonnent vraiment avec la vie de la star du rock. Il portraitise une star plus fragile qu’on ne le croit, plus profond aussi. Il va se mettre au service de Johnny. « Il a compris qu’il devait tout faire, y compris la réalisation. Michel Berger ne veut pas inventer un nouveau Johnny Hallyday, il veut lui donner un nouvel élan et le remettre sur le fil de son odyssée musicale. Johnny est vraiment la source d’inspiration et le moteur émotionnel de l’album.
Quand il écrit « Lutte pour écrire ton histoire / Lutte pour garder ta mémoire » (Rock’n’roll attitude), on sent que Berger est attaché à tout ce que Johnny a déjà accompli et construit », explique Xavier Perrot à BFMTV.
C’est ainsi que pour la première fois, un auteur-compositeur-interprète se voit confier la réalisation de tout un album. Michel Berger et Johnny Hallyday entament l’enregistrement au Studio Gang, à Paris, en décembre 1984.
Jannick Top (bassiste de Berger) est chargé de la coordination musicale et Jean-Pierre Janiaud de la prise de son. Michel Berger a eu une idée de génie qui enchante Johnny: tout sera enregistré en direct. Johnny fera toutes ses prises de sons en live, au milieu des musiciens.
3 minutes 26 à peine nettoyées pour cette sortie
Printemps 1985. Alors que la neige a disparu des rues de Montréal, Johnny et Michel peaufinent leur disque commun. Johnny – sans distraction aucune – n’avait que ses chansons à terminer. Très concentré, ultra-impliqué, il s’investit à 100%. C’est lui qui aura ainsi l’idée de doubler le tempo de la chanson Aimer vivre, ce qui lui donnera une réelle dimension scénique au morceau.
Aussi, Johnny accepte de travailler sa voix, d’oser aller ailleurs, de déchanter. Il se laisse diriger et fait des merveilles derrière le micro sur des titres plus feutrés, plus calmes comme Quelque chose de Tennessee.
A la fin du processus créatif, comme pour parachever des mois de travail à quatre mains, Michel Berger propose à Johnny Hallyday d’enregistrer un autre morceau, à deux voix, un duo baptisé C’est l’amour que j’attendais. La confiance est installée. Ils se connaissent désormais mieux. Et ils immortalisent donc 3 minutes 26 suspendues auxquelles les équipes d’Universal n’ont que très peu touché.
« On a simplement nettoyé la bande et travaillé la spatialisation du son pour lui donner plus de netteté. Evidemment, tout a été fait en lien avec Raphaël Hamburger, le fils de Michel Berger », souligne Xavier Perrot.
Johnny entame ce duo-événement par ces mots: « On a tous des rêves cachés (…) et des valises de souvenirs qu’on veut poser » avant d’être rejoint par Michel Berger à la 28ème seconde: « Quand le soleil se couchait / j’avais des drôles d’idées noires / l’imagination bizarre / et juste une envie de vivre ». Les deux artistes mêlent même leurs voix à la fin du refrain.
Jamais les deux artistes n’avaient chanté ensemble. Ils ne le referont qu’à la télévision. Pourtant, la chanson ne figurera pas au générique de l’opus, au côté des dix autres morceaux.
« A l’époque, pour ne pas déroger à l’ADN de ‘Rock’n’roll attitude’, centré exclusivement sur le personnage de Johnny Hallyday, la décision est prise de ne pas intégrer la chanson au disque », lit-on dans le livret de la nouvelle version de l’album qui paraîtra ce vendredi 5 décembre.
Une édition vinyle est également prévue ainsi qu’une version collector à paraître le 19 décembre. Toutes les chansons ont été intégralement remasterisées.
Article original publié sur BFMTV.com
