mardi, décembre 16

  • « Dans l’économie actuelle, gagner plus signifie toujours polluer plus », pointe Fabrice Bonnifet.
  • Le président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, appelle les entreprises à changer de paradigme dans ce nouvel édito.

On aimerait tellement croire que les entreprises ont enfin saisi l’urgence de la transition. Que les solutions sont déjà là. Et qu’il ne reste plus qu’à les déployer massivement. Mais c’est faux. Certaines d’entre elles œuvrent en coulisse pour que rien ne change. À Belém, lors de la COP30, il y avait 1800 lobbyistes issus de tous les secteurs d’activité pour annihiler tout espoir de sortir un jour des énergies fossiles. À Bruxelles, les mêmes ont torpillé le GreenDeal pour vider de leur substance la CSRD, et surtout la CS3D qui aurait rendu obligatoire la définition de plans de transition climatique !

Comment progresser ou innover sans régulation forte ? Prétendre que la main invisible du marché va, seule, permettre aux entreprises de baisser leur empreinte carbone globale d’au moins 5% par an d’ici 2050 relève de la magie de foire. Pérorer en indiquant améliorer son intensité carbone par € de CA est sans intérêt pour le climat, puisque cela ignore l’effet rebond et la croissance organique. Seule une baisse en absolu des gaz à effet de serre (GES) compte.

Les entreprises les plus vertueuses de demain ne sont pas celles qui généreront les plus gros profits, mais celles qui « régénéreront » le mieux le vivant.

Fabrice Bonnifet

Cessons également de faire miroiter que les entreprises sincèrement engagées dans la transition vont s’enrichir davantage. Dans l’économie actuelle, gagner plus signifie toujours polluer plus. Il serait temps de changer les critères de valorisation de la performance : les entreprises les plus vertueuses de demain ne sont pas celles qui généreront les plus gros profits, mais celles qui « régénéreront » le mieux le vivant.

 

Et que dire de cette idée selon laquelle « l’inaction coûterait plus cher que l’action » ? Pour qui, exactement ? Aujourd’hui, ce n’est pas (encore) aux entreprises que l’inaction coûte, mais bien à la collectivité. La double matérialité de la CSRD devait corriger cette anomalie, mais l’ISSB continue de défendre l’économie de la mort avec la seule matérialité financière.

Si nous étions lucides, les COP à venir devraient décider d’affecter le budget carbone de l’humanité pour rester sous les 2°C pour des infrastructures essentielles, notamment dans les pays du Sud global. Pour le reste du monde, nous serions bien avisés de faire advenir une économie de la fonctionnalité. Nous devons accepter de produire moins et donc d’utiliser plus en maintenant ce que nous avons déjà.

 

Enfin, cessons de tout miser sur la technologie. Elle ne jouera qu’un rôle marginal dans la reconfiguration culturelle indispensable pour sortir du consumérisme exacerbé. Avec l’essor d’une IA obsédée par la productivité – gloutonne en ressources et en énergie -, les maigres progrès en matière de décarbonation risquent d’être balayés à la vitesse de l’éclair. Et selon vous, quel est le grand gagnant du backlash RSE en cours : l’IA ou le climat ?

Fabrice BONNIFET

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