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L’homme au 4 × 4 Mercedes noir ciblait les pharmacies de Loire-Atlantique. Son mode opératoire était simple : il présentait sur le comptoir des établissements une ordonnance volée ou falsifiée réclamant du fentanyl, un opioïde cent fois plus puissant que la morphine, avant de repartir, sa dose en poche. Ce stratagème a pris fin le 15 mai 2023, lorsqu’il a été interpellé en flagrant délit par la police de La Baule.

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Un an plus tard, l’enquête menée sous l’égide de la juridiction spécialisée de Rennes a dévoilé les ramifications de ce trafic mené dans tout le Grand Ouest de la France par un groupe criminel d’origine géorgienne, dont trois membres ont été mis en examen le 13 juin. Certains, eux-mêmes dépendants, alimentaient leur consommation personnelle autant que les affaires du gang. Selon le parquet de Rennes, les investigations ont permis de comptabiliser 723 ordonnances frauduleuses pour un total de 2 300 boîtes de fentanyl – une substance particulièrement addictive, dont la moindre surdose peut provoquer la mort.

« Très difficiles à repérer »

Ce premier démantèlement d’une filière de diffusion du fentanyl en France était autant craint qu’attendu. « Le fentanyl fait partie du top 10 des médicaments retrouvés sur les ordonnances falsifiés depuis trois ans », souligne Joëlle Micallef, présidente du réseau français d’addictovigilance, qui surveille les substances psychoactives et leur risque sur la santé. « Nous avions d’ailleurs repéré sa surreprésentation sur la façade ouest de la France, et notamment en Bretagne, mais sans avoir encore d’explication. »

Absents de la nomenclature de l’étude publiée mercredi 26 juin par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, le fentanyl, essentiellement vendu en patch, se présente sous des formes diverses hors du circuit légal. « Il faut différencier le fentanyl médicament de ses “cousins chimiques”, les fentanyloïdes réalisés en laboratoire, qui sont plus puissants et dangereux », indique la professeure Micallef.

« Les fentanyloïdes sont très difficiles à repérer, souligne-t-elle. Ils sont indétectables dans les prélèvements sanguins par les techniques de routine. » De quoi entraîner, selon la responsable du réseau d’addictovigilance, « des chiffres sous-dimensionnés par rapport à la réalité ». Une réalité toutefois sans commune mesure avec la situation aux Etats-Unis, où plus de 100 000 décès ont été attribués au fentanyl en 2023.

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