Ils envisagent de passer à l’action pour « être entendus » par les instances du football.
Plusieurs joueurs, à l’image de Rodri, Jules Koundé ou Alisson, sont montés au front pour dénoncer les cadences infernales qui leur sont imposées.
Très critiques envers le calendrier surchargé, ils pourraient se mettre en grève, si rien ne change.
Suivez la couverture complète
Ligue des champions 2024-2025 : une nouvelle ère s’ouvre
« Oui, je pense qu’on en est proche. » Proche de quoi ? D’une grève des footballeurs, pardi ! Interrogé mardi 17 septembre, à la veille du choc Manchester City-Inter Milan, premier match des Skyblues en Ligue des champions, dont la formule réaménagée fait passer de six à huit le nombre de rencontres avant la phase à élimination directe, Rodri a exprimé un ras-le-bol généralisé. « Si vous posez la question à n’importe quel joueur, il vous le dira, c’est une opinion générale parmi les joueurs, ce n’est pas juste l’avis de Rodri », a lâché le milieu espagnol, à propos du calendrier surchargé, qu’alourdira davantage la Coupe du monde des clubs à partir de l’été 2025. « Si cela continue comme ça, à un moment, on n’aura pas d’autres choix. »
Un accroissement insoutenable qu’a déploré le défenseur français Jules Koundé, en marge du déplacement du Barça en principauté de Monaco, jeudi 19 septembre. « Le calendrier se charge chaque année, on a toujours plus de matchs et de moins en moins de repos », a dénoncé le vice-champion du monde tricolore devant un parterre de journalistes.
Personne ne nous écoute
Personne ne nous écoute
Jules Koundé, défenseur du Barça et de l’équipe de France
« Ça fait trois ou quatre ans qu’on le dit et personne ne nous écoute, nous les joueurs, qui sommes les premiers acteurs. Il va effectivement arriver un moment où on va faire grève. C’est le seul moyen qu’on aura pour être entendus », a-t-il estimé, avant de pointer les conséquences directes de cette cadence qu’il juge infernale. « On voit qu’il y a de plus en plus de blessures à cause du manque de repos. Ceux qui vont jouer la Coupe du monde des clubs vont avoir moins de repos et joueront 70 matchs, ce qui serait une folie. »
🗣️ “There will come a time when we will have to go on strike.” Barcelona and France defender Jules Kounde says: “Every year we have more games, less time to rest, and it is not for a lack of telling you, I think we have been telling you for three, four, or even more years.” pic.twitter.com/wmUV7Of600 — FIFPRO (@FIFPRO) September 18, 2024
La « colère » et l’« incompréhension » se propagent doucement dans les rangs des footballeurs, qui n’arrivent plus à assumer ni physiquement ni mentalement cette surabondance de rencontres. Beaucoup avant Rodri et Koundé ont regretté de ne pas être associés à la préparation des calendriers. « Notre opinion n’a peut-être pas d’importance. Mais tout le monde sait ce que nous pensons. Tout le monde en a marre », a affirmé Alisson, le gardien brésilien de Liverpool.
Un joueur ne peut pas jouer 60 matchs en une saison
Un joueur ne peut pas jouer 60 matchs en une saison
Dani Carvajal, défenseur du Real Madrid et de l’équipe d’Espagne
« J’espère qu’ils (les décideurs, ndlr) vont comprendre un jour qu’on joue trop de matchs, ça ramène aussi des blessures, on a eu deux blessés dans la sélection et si ça ne se calme pas, il y en aura plus », a de son côté mis en garde le défenseur du Bayern Munich Dayot Upamecano, avant le match de Ligue des nations face à la Belgique (2-0) début septembre.
« Il est impossible que les joueurs maintiennent leur niveau toute l’année », anticipait même Dani Carvajal lors du dernier Euro, qu’il a remporté avec l’Espagne. « Je crois que l’UEFA, aussi bien que la Fifa et les Fédérations de chaque pays, doivent vraiment réaliser qu’un joueur ne peut pas jouer 60 matchs en une saison. » Le défenseur du Real Madrid ne croyait pas si bien dire : dès cette année, un footballeur qui irait au bout de toutes les compétitions de clubs et internationales verrait sa saison s’étirer sur 11 mois.
L’industrie du football est menacée
L’industrie du football est menacée
David Terrier, président de la Fifpro
À 100% derrière les joueurs professionnels qu’elles représentent, la Fifpro, via ses antennes nationales, a d’ores et déjà lancé une plainte contre la Fifa en juin dernier. Celle-ci pointe l’établissement unilatéral du calendrier des matchs internationaux et la création de la Coupe du monde des clubs. Une seconde plainte sera déposée, le 14 octobre prochain, devant la Commission européenne sur le droit à la concurrence, les différentes Ligues européennes estimant que la multiplication des compétitions internationales nuit à l’attractivité des championnats domestiques.
Pour étayer son propos sur la surcharge imposée aux footballeurs, l’organisation, qui juge que la grève pourrait « prendre plusieurs formes », s’appuie sur un rapport alarmant récemment publié. Selon cette étude, 31% des 1500 joueurs suivis ont disputé plus de 55 rencontres la saison dernière, tandis que près d’un tiers (30%) des joueurs ont subi des séquences d’au moins six semaines consécutives de matchs consécutifs (deux ou plus par semaine). Exemple qui « illustre la gravité de la situation », Julian Alvarez a ainsi été retenu 83 fois et a joué 75 fois sur le seul exercice 2023-2024.
« Certains joueurs voient leur temps libre se réduire à 12% de l’année civile, soit l’équivalent de moins d’un jour complet de congé par semaine, ce qui est contraire aux normes internationales en matière de sécurité et de santé au travail », tacle la Fifpro. « L’industrie du football est menacée », assure à l’AFP son président David Terrier, par ailleurs vice-président de l’UNFP, le syndicat des joueurs français.
Pas de quoi émouvoir la Fifa qui, pour l’instant, fait la sourde oreille. Invitant au dialogue, l’instance dirigée par Gianni Infantino défend son pré carré, en brandissant en guise de réponse une étude du Centre international d’études du sport (CIES). De 2012 à 2024, « le nombre moyen de rencontres par club et par saison est resté stable juste au-dessus de 40. Seulement 5% des équipes disputent en moyenne plus de 60 matchs par saison (matchs amicaux non inclus) », dit l’étude indépendante. « Les clubs ne disputent pas plus de matches par saison, ce qui va à l’encontre de la croyance d’un calendrier (…) de plus en plus chargé. » Un ressenti des acteurs qui est loin d’être le même sur le terrain.