jeudi, novembre 14

Quelles qu’en soient les raisons (conflits, faim, changement climatique), le plus souvent enchevêtrées d’ailleurs, les migrations forcées composent l’un des défis collectifs majeurs de notre siècle, qui en appelle à la solidité de nos principes autant qu’à notre imagination.

Or que préparons-nous pour définir une réponse digne et organisée ? De quelle politique migratoire, censée être « fondée sur la solidarité », l’Union européenne (UE) peut-elle vraiment se targuer aujourd’hui ? Elle, qui compte déjà 30 000 morts dans ses mers depuis dix ans, comme autant de vies jetables et « impleurables ». Elle, qui organise la violence institutionnelle des parcours migratoires sur son sol. Elle, dont la « politique » migratoire est devenue, en quelques années, le pivot de son propre échec moral.

Car, depuis des années, nous détricotons les principes fondamentaux de la construction européenne. En vertu du combat contre un prétendu « appel d’air », tous les moyens semblent devenus bons pour nous débarrasser de notre politique d’asile, la repousser, l’évacuer… jusqu’à l’externaliser, car voilà désormais le maître-mot : après des années d’accords de « coopération » avec des pays tiers – comme la Lybie ou la Turquie – contre monnaie sonnante et trébuchante, pour qu’ils retiennent chez eux les demandeurs d’asile, il s’agit aujourd’hui de pousser toujours plus loin cette entreprise.

Admiration morbide

Externalisation de l’instruction de la demande d’asile d’abord. Le laboratoire de l’extrême droite qu’est devenue l’Italie de Giorgia Meloni s’est parfaitement illustré sur ce point : pour que les modestes milliers de demandes d’asile issues des voies maritimes ne soient plus étudiées sur son sol, l’Italie pactise avec l’Albanie au prix de contorsions coûteuses consistant à retransférer les individus dans ce « territoire partenaire ».

Ce projet a été tué dans l’œuf puisque la justice italienne s’est empressée d’annuler les premiers transferts il y a quelques jours. Il a eu, en somme, le même destin que le « plan Rwanda » britannique, abandonné cet été, au prix inutile d’un petit milliard de dollars. Tout cela inspiré par le « plan Nauru » australien (600 millions d’euros par an pour un transfert de 3 000 personnes détenues loin des regards), du nom de cette petite île du Pacifique Sud ainsi transformée en une prison à ciel ouvert.

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Pourtant ni les risques de violations des droits humains ni le montant disproportionné des sommes engagées ne semblent freiner l’admiration morbide de certains de nos responsables politiques pour ces solutions mirages.

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