Chercheur associé au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps) à Lille et enseignant, Thomas Kirszbaum dresse le bilan de vingt ans de renouvellement urbain. Il est l’auteur de Rénovation urbaine. Les leçons américaines (PUF, 2009) et En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville (Editions de l’Aube, 2015).
La loi Borloo de 2003 visait à développer la mixité sociale. Quel bilan tirez-vous de la rénovation urbaine ?
Dresser le bilan des deux décennies écoulées n’est pas facile. Bien que ce programme ait mobilisé des financements considérables, on ne s’est en effet jamais doté d’un système d’évaluation de son impact sur le profil de la population des quartiers.
Sur la base des travaux parcellaires dont on dispose, le bilan est plutôt décevant. L’offre résidentielle rénovée consiste, pour une grande part, en du logement social plus conforme aux normes contemporaines, mais aussi plus haut de gamme et plus onéreux. Des ménages un peu moins précaires se sont installés dans ces ensembles rénovés. Mais comme il s’agit souvent de populations racisées, certains considèrent que la mixité n’est pas au rendez-vous. C’est toute l’ambiguïté de cette notion qui peut être définie à partir de critères socio-économiques ou ethno-raciaux. La mixité sociale devrait d’ailleurs se travailler sur bien d’autres plans que la seule question du logement.
Comment favoriser la mixité sociale en évitant de réduire la part des logements destinés à l’accueil des ménages les plus précaires ?
Dans un monde idéal, il faudrait développer massivement le logement abordable dans les territoires riches en même temps que l’on réduit sa part dans les quartiers ciblés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine [ANRU]. Mais la loi « solidarité et renouvellement urbain » de 2000, qui impose des quotas de logements sociaux dans les communes riches, a montré ses limites : quand bien même les maires jouent le jeu de la construction sociale, ils veillent scrupuleusement à loger les habitants de leur commune au titre de la « préférence communale » inscrite dans la loi. L’effet sur la mixité est alors insignifiant.
Mais il faut surtout sortir d’une approche uniforme de la mixité. Il ne peut y avoir un schéma unique pour tous les territoires. Tout dépend de l’échelle à laquelle on regarde la ségrégation. Et dans certains contextes où le foncier est rare et cher, c’est la préservation du logement social qui favorise la mixité sociale, et non sa démolition.
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