« Monsieur le président de la République du Sénégal, ce centre portera votre nom, Khalifa Ababacar Sall. » A un mois de la présidentielle, prévue le du 25 février, Barthélémy Dias ne s’embarrasse pas du conditionnel. Pour l’impétueux maire de Dakar et les dizaines de militants réunis ce 19 janvier à l’inauguration du premier centre municipal d’hémodialyse de la capitale, aucun doute, Khalifa Sall sera bientôt le successeur de Macky Sall. Assis derrière lui, tout de blanc vêtu, l’intéressé savoure les mots de son poulain.
Après cinquante-sept années de militantisme revendiqué et quatre décennies dans les sphères du pouvoir, Khalifa Sall espère gravir dans quelques semaines la dernière marche d’une carrière politique tourmentée. Tour à tour élu municipal, député, ministre puis maire, il s’imagine en favori d’une élection atypique. Par son nombre de candidats – vingt, un record –, et l’absence du président sortant et de son plus farouche opposant, Ousmane Sonko, inéligible suite à sa condamnation pour « diffamation ».
« Il a un boulevard devant lui », s’enthousiasme l’un de ses collaborateurs au sein de la plate-forme Taxawu Sénégal. Pour l’emporter, le candidat de 68 ans au visage toujours juvénile sillonne le pays depuis un an. Hors de la capitale, dont il a été deux fois maire de 2009 à 2018, sa caravane Motaali Yeene » (« poursuivre l’ambition », en wolof) a parcouru la moitié des 14 régions et 26 départements du pays. Avec un mot d’ordre : « Tâter le pouls du Sénégal » et élaborer un projet de société en « coconstruction » avec les populations.
Viser le consensus, éviter le clivage, c’est le style Khalifa Sall. « Je suis le digne héritier socialiste. Je n’ai jamais transigé sur mon ADN », assure au Monde celui qui a grandi sous l’ombre tutélaire des ténors du parti socialiste, l’ancien président Abdou Diouf dont il a été le ministre et Ousmane Tanor Dieng. La pique est dirigée contre son ancien parti dont il a été exclu en 2017 après avoir contesté l’alliance avec la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY).
Comment incarner l’avenir ?
Réputé « sage » et « courtois », Khalifa Sall n’hésite pas toutefois à affronter ses anciens amis politiques en démarchant les cadres du PS. « En les ciblant, il tente de combler son manque d’ancrage hors de la capitale. S’il réussit, sa stratégie lui assurera un maillage territorial important », analyse Maurice Soudieck, professeur agrégé de sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis.
Un pari qu’il espère remporter en misant sur la frustration de certains responsables, déçus que le parti de Léopold Sédar Senghor, pour la deuxième fois en douze ans, ne présente pas de candidat à la présidentielle. Comme en 2019, le PS s’est rangé derrière le candidat du chef d’Etat sortant, l’actuel premier ministre Amadou Ba. Un adversaire qui tente de capitaliser sur un bilan économique « visible » comme le train express régional, le bus électrique dakarois ou les autoroutes à péage qui ont métamorphosé la capitale et sa région en une décennie.
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