Elle s’appelle Khoemacau. Convoitée de tous, cette mine botswanaise, considérée comme l’une des plus grandes réserves de cuivre d’Afrique, a fini par tomber, fin 2023, dans l’escarcelle de la Chine. Basé en Australie, mais détenu par China Minmetals, le puissant groupe étatique chinois MMG a raflé la mise pour 1,88 milliard de dollars (1,73 milliard d’euros). Quelques mois auparavant, c’était le géant anglo-australien BHP qui avait mis la main sur son concurrent OZ Minerals, bien doté en cuivre, pour 6,38 milliards de dollars. Et l’américain Newmont qui, quant à lui, avait déboursé 19 milliards pour racheter Newcrest.
Au cœur de la compétition pour les minerais, le cuivre suscite une véritable frénésie d’achat. Moins médiatisé que le lithium ou les terres rares, le métal rouge n’en est pas moins aussi essentiel, si ce n’est plus, à la transition énergétique. « Le cuivre est le grand substrat invisible qui soutient le monde moderne tel que nous le connaissons. Sans lui, nous sommes littéralement laissés dans l’obscurité », raconte l’auteur britannique Ed Conway dans son ouvrage Material World. A Substantial Story of Our Past and Future (« le monde matériel : une histoire des matériaux de notre passé et de notre futur », W. H. Allen, 2023, non traduit) : « Si l’acier fournit le squelette de notre monde et le béton sa chair, alors le cuivre est le système nerveux de la civilisation, les circuits et les câbles que nous ne voyons jamais mais sans lesquels nous ne pourrions pas fonctionner. »
Présent dans la construction, l’or rouge se retrouve à la fois dans les réseaux électriques et les biens de consommation dits « bas carbone ». A eux seuls, les véhicules électriques et leurs batteries devraient absorber un tiers des futurs besoins, chaque voiture ne nécessitant pas moins de 80 kilos à 100 kilos de cuivre quand un véhicule traditionnel en requiert une vingtaine. Dans le solaire, les besoins vont être multipliés environ par cinq par rapport à une centrale thermique à gaz. Sans oublier les éoliennes offshore, qui, pour être reliées au rivage, sont nettement plus gourmandes en câbles. « C’est un minerai que l’on suit de près, confirme Christophe Poinssot, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Dès qu’il y a de l’électricité, il y a du cuivre, et comme on en déploie un peu partout pour décarboner la planète, il faut s’attendre à des tensions. »
Explosion de la demande
Dans ce contexte, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe une explosion de 40 % d’ici à 2040 de la demande mondiale. Serons-nous en mesure d’y répondre ? « Dans l’ensemble des matériaux critiques, il est clair que le cuivre devient l’un des plus préoccupants en termes d’offre et de demande, si on se réfère aux courbes qui se croisent à l’horizon de deux ans », met en garde l’ancien patron d’industrie Philippe Varin, auteur, en 2021, d’un rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières minérales. A court terme, l’unanimité semble de mise sur le fait qu’« il n’y aura pas de pénurie mondiale mais plutôt des déséquilibres temporaires dans le temps et l’espace », comme le rappelle Guillaume Pitron, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). A plus long terme, en revanche, ce dernier précise que « les inquiétudes subsistent dans la mesure où l’insuffisance des investissements pourrait générer, d’ici à une quinzaine d’années, des pénuries ».
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