Pour justifier le projet contesté de réforme de la gouvernance du nucléaire, qui sera débattu mercredi 7 et jeudi 8 février au Sénat, le gouvernement met en avant la charge de travail sans précédent qui s’annonce dans les prochaines décennies. Prolongation de la durée de vie des réacteurs, construction de nouveaux EPR, stockage des déchets à Bure (Meuse), adaptation au dérèglement climatique… Parmi les nombreux dossiers sur la table des organismes de sûreté, celui du développement annoncé de petits réacteurs modulaires (small modular reactors, SMR) et innovants pèse également dans la balance. Un chantier qui pose, pour l’avenir, des questions inédites.
Outre la construction de nouveaux « gros » réacteurs, l’exécutif mise largement sur le déploiement de petites unités. Il a mis sur la table un milliard d’euros pour le développement de la filière, dans le cadre du programme France 2030, et inscrit dans son projet de stratégie énergie-climat l’objectif de lancer au moins un prototype de SMR d’ici à la fin de la décennie.
En l’état, la filière rassemble un vaste éventail de projets. D’un côté figure le projet Nuward, porté par EDF, d’une centrale conçue sur la même technologie que celle du parc actuel, mais de plus petite taille (340 mégawatts, contre 1 600 mégawatts pour le futur EPR de Flamanville). De l’autre, de tout petits réacteurs de quelques mégawatts de capacité, fonctionnant à partir de technologies différentes. Pour tous, l’idée est de pouvoir, à terme, les construire en série et en usine, pour que le modèle économique soit rentable.
Sur le papier, ces petits réacteurs peuvent constituer un atout en matière de sûreté. « Intrinsèquement, le fait que les réacteurs soient plus petits apporte des avantages, explique Julien Collet, directeur général adjoint de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le cœur est plus facile à refroidir. Il y a un potentiel prometteur, mais qui doit se traduire dans la conception et qui reste à démontrer. »
« Page blanche »
En juillet 2023, EDF a déposé un dossier d’options de sûreté concernant Nuward, sur lequel l’ASN doit se prononcer en 2025. Son projet repose sur un concept de sûreté passive – la puissance résiduelle peut être évacuée sans qu’il y ait besoin de pompes et d’électricité pour les faire tourner –, qui doit permettre de simplifier la construction. « Parler de sûreté passive peut être rassurant pour le public, mais d’un point de vue technologique ou de probabilités, il n’y a pas d’avantage en soi à la sûreté passive par rapport à la sûreté active, précise Renaud Crassous, le président de Nuward, filiale d’EDF. Et nous n’avons pas de retour d’expérience. »
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