Scénariste reconnu (Dheepan, de Jacques Audiard, 2015 ; Problemos, d’Eric Judor, 2017), auteur d’une série comique à succès sur le Parlement européen (Parlement, 2020-2023), Noé Debré, 38 ans, signe avec Le Dernier des juifs son premier long-métrage de cinéma. Il y installe dans une cité non identifiée Agnès Jaoui, en mère juive qui broie du noir, et son fils, interprété par le fabuleux Michael Zindel, qui fait tout pour lui cacher qu’il ne reste, à part eux, plus âme juive qui vive dans la cité.
Commençons peut-être par Debré ?
Oui, tout à fait, un patronyme juif alsacien. Il n’y en a pas, de toute façon, des mille et des cents. Une branche alsacienne dont je suis le dernier représentant. Et une branche parisienne, celle à laquelle vous pensez, que je ne connais pas vraiment. Moi, j’ai grandi à Strasbourg.
Le dernier des juifs, en quelque sorte ?
A tout le moins le dernier des Debré juifs, puisque la branche parisienne est convertie de longue date.
Quelle a été votre généalogie cinématographique ?
« Le Cinéma de minuit », sur France 3. Je ne vois rien d’autre. Les premiers signes s’annoncent vers la 2nde. Ma tante m’abonne aux Cahiers du cinéma. Sinon rien. Je fais l’école de cinéma et audiovisuel [ESEC] à Paris. Le scénariste Thomas Bidegain vient dispenser un cours, je l’approche, puis je lui demande par mail de me prendre comme apprenti. Coup de chance, ça marche. Thomas venait d’écrire Un prophète [réalisé par Jacques Audiard en 2009], dont le tournage n’avait pas encore commencé, et il avait accepté beaucoup de projets pendant l’écriture de celui-ci. Donc, il avait bien besoin d’un coup de main. Il a été très généreux.
Après avoir déjà écrit sur la banlieue pour le collectif Kourtrajmé et pour Jacques Audiard, vous contournez les lieux communs de ce territoire pour vous intéresser au départ des familles juives des quartiers populaires. Qu’est-ce qui vous a orienté vers ce sujet ?
Le déclic, c’est un court-métrage que j’ai découvert voici quelques années au Festival de Clermont-Ferrand. Masel Tov Cocktail [d’Arkadij Khaet et Mickey Paatzsch, 2020] racontait les mésaventures d’un jeune juif russe qui vivait en Allemagne. En le voyant, je me suis dit que l’on n’avait jamais représenté, en France, la vie juive dans les quartiers populaires. Et le réflexe de base du scénariste, quand les films sont en retard sur la réalité, c’est évidemment d’en écrire un.
Quels furent vos partis pris d’écriture ?
Eviter les clichés. J’ai rencontré beaucoup de gens et je me suis promis de ne mettre dans le film que des choses qui nous auraient été racontées. J’ai été surpris de constater que la décision du départ était aussi, souvent, un arrachement. C’est pour cette raison que j’ai tourné dans les quartiers de Noisy-le-Sec [Seine-Saint-Denis], qui ont plus d’agrément que bien des cités, parce que je voulais qu’il y ait cette sensation de perte, de nostalgie.
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