Entre juntes militaires et régimes issus des urnes, l’Afrique de l’Ouest est plus fracturée que jamais. En quarante-neuf ans d’existence de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), jamais pareil divorce n’avait été exprimé. Dimanche 28 janvier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur « retrait sans délai » de la Cedeao, dans un communiqué conjoint lu à l’antenne de chacune des trois télévisions nationales. Les trois régimes militaires justifient ce choix par les « sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables » qui leur ont selon eux été imposées par l’organisation régionale, « devenue une menace pour ses Etats membres et les populations ».
A la suite des coups d’Etat commis en 2020 à Bamako, en 2022 à Ouagadougou et en 2023 à Niamey, la Cedeao, qui rassemblait jusqu’ici quinze Etats, avait suspendu les trois pays de ses instances et imposé de lourdes sanctions économiques au Mali et au Niger, qu’elle avait même menacé d’intervention militaire.
La Cedeao a réagi dimanche soir en disant attendre « la notification formelle et directe » de ce retrait conjoint. Si les juntes ont formulé à l’oral leur décision de retrait et précisé qu’il serait immédiat, les textes de l’instance régionale prévoient un délai d’un an après notification par écrit, pour acter la sortie d’un Etat de l’organisation. Cette dernière s’est en outre dite prête à « trouver une solution négociée à l’impasse politique » dans laquelle se trouvent ces trois pays, qui restent pour elle « des membres importants de la Communauté ».
Ce départ conjoint – inédit au sein de la Cedeao puisque depuis sa création en 1975, seule la Mauritanie s’en est retirée en 2000 –, est une nouvelle marque de la volonté des trois juntes sahéliennes de refondre leurs alliances. Le scénario est désormais connu : ces pays, qui depuis septembre sont unis au sein d’une nouvelle organisation, l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont réclamé le départ des soldats et des diplomates français, tout en organisant des manifestations contre les sanctions de la Cedeao, avant d’annoncer leur sortie de l’alliance antiterroriste G5 Sahel, et de se rapprocher de la Russie en scellant des partenariats économiques et sécuritaires.
Un chemin « parsemé d’embûches »
A la veille de l’annonce du retrait de la Cedeao, plusieurs ministres des gouvernements de transition burkinabé et malien ont été reçus à Niamey, samedi 27 janvier, par le général Abdourahamane Tiani, le président autoproclamé du Niger. « Le chemin que nous avons pris, ce n’est pas le chemin le plus facile. Il est parsemé d’embûches, les adversités ne manquent pas mais ça n’entame en rien notre détermination commune à œuvrer pour que nos peuples retrouvent véritablement la dignité, la souveraineté », a déclaré Jean Emmanuel Ouédraogo, le ministre de la communication du Burkina Faso.
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