Médecin anesthésiste-réanimateur, le professeur Raphaël Pitti a travaillé en Syrie à partir de 2012 dans les zones assiégées par le régime de Damas et son allié russe, puis en Ukraine à partir de 2022. Avec l’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM International), il est responsable des formations pour les soignants en zone de guerre. Pendant deux semaines, accompagné d’une vingtaine de médecins, dont sept Français, en coordination avec l’association des médecins palestiniens Palmed, le médecin humanitaire s’est rendu dans la bande de Gaza pour prêter main-forte au personnel de l’hôpital européen de Gaza, dans le sud de l’enclave. Le Monde l’a rencontré à sa sortie.
A quoi ressemble aujourd’hui un hôpital à Gaza ?
C’est le chaos. D’abord par la présence de plus de 25 000 personnes venues se réfugier aux alentours. Elles s’entassent dans des abris faits de bric et de broc. A l’intérieur, il y a environ 6 000 personnes la journée et plus encore pendant la nuit, où les bombardements sont les plus intenses. L’hôpital, qui avait une capacité de 400 lits, en a aujourd’hui 900. Des blessés et leurs proches errent, désœuvrés, sous le choc. Des cadavres dans des housses sont posés contre un mur en attendant d’être enterrés. Une vie s’est réorganisée dans un microcosme. Des femmes font du pain dans les couloirs, des enfants jouent au ballon, il y a trois tailleurs, un cordonnier. Les gens n’ont rien pu emporter avec eux, ils s’entassent dans une promiscuité totale. L’hôpital est devenu une sorte de bateau-refuge. Mais personne ne sait pour combien de temps.
Face à l’avancée des troupes israéliennes et aux bombardements, les hôpitaux sont évacués les uns après les autres. Quel est l’état du système de santé de Gaza aujourd’hui ?
Il est proche du néant. Dans le sud de Gaza, hormis l’Hôpital européen, seuls trois hôpitaux sont encore en état de fonctionnement. Pendant notre mission, l’hôpital Al-Nasser, à Khan Younès, a été encerclé pendant onze jours par l’armée israélienne, empêchant le passage des patients, avant d’être évacué définitivement. Tous les directeurs d’hôpitaux de Gaza ont été arrêtés par l’armée israélienne, interrogés et manifestement torturés sous le prétexte qu’ils sont pro-Hamas. La tension est permanente. Les bombardements se rapprochent de plus en plus. A l’Hôpital européen, on a reçu des éclats, le souffle des explosions fait sauter les faux plafonds. La Croix-Rouge internationale craint de devoir déclarer prochainement l’ordre d’évacuer la zone.
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