Le changement climatique, et la multiplication des vagues de chaleur qu’il entraîne, fait grimper les prix de l’alimentation.
Une hausse clairement mesurée dans une étude, publiée jeudi.
Les vagues de chaleur pourraient ainsi provoquer une hausse de l’inflation de près de 1% par an d’ici 2035.
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Inflation : les prix s’envolent
C’est un chiffre qui devrait en interpeller plus d’un. Selon une étude publiée dans Communications Earth and Environnement, une revue de la société d’éditions scientifiques Springer Nature, les chaleurs extrêmes qui ont touché l’Europe en 2022, ont « probablement » fait grimper l’inflation alimentaire de 0,67 point de pourcentage sur le Vieux continent, alors que cette année-là, elle avait été de 18,2%, selon les chiffres publiés par Eurostat. Une inflation qui pourrait doubler d’ici 2035 avec l’amplification du changement climatique dû aux activités humaines.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs de l’université de Potsdam (Allemagne) et de la Banque centrale européenne ont analysé et comparé les données historiques sur les prix et sur les conditions climatiques de 121 pays entre 1996 et 2020. Ils ont ensuite extrapolé ces données en se basant sur les conditions climatiques prévues à l’avenir, en 2035 et en 2060, selon différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre.
Une hausse de 200% à l’horizon 2060 ?
Résultat, en France et en Europe, la hausse des températures fera particulièrement grimper les prix l’été. En prenant l’exemple de la vague de chaleur de 2022, les chercheurs estiment qu’en moyenne, d’ici 2035 et dans un scénario de fortes émissions de gaz à effet de serre, les chaleurs extrêmes feront augmenter l’inflation en Europe d’environ un point de pourcentage par an, ou d’environ 0,9 point de pourcentage dans un scénario de faibles émissions. « Les effets des chaleurs extrêmes sur l’inflation en Europe seront ainsi amplifiés de 30 à 50% par le changement climatique » d’ici 10 ans, selon le rapport.
À l’horizon 2060, l’étude estime que les fortes températures pourraient entraîner une hausse de l’inflation de 1,1 point de pourcentage dans le scénario le plus optimiste, contre 1,8 point de pourcentage dans le plus pessimiste, « soit une amplification de près de 200% ». « Ces résultats mettent en évidence les risques à court terme que font peser sur l’inflation les extrêmes de chaleur imprévisibles qui se produisent déjà dans les conditions climatiques actuelles et qui seront amplifiés par le réchauffement futur », prévient la publication.
Mais pour Maximilian Kotz, auteur principal de l’étude, il est encore possible de limiter cette inflation. « Sur les 10 prochaines années, quelles que soient nos émissions de gaz à effet de serre, les prix de l’alimentation devraient continuer de grimper. Mais les choses changent à une plus longue échéance, parce que le réchauffement mondial mettra du temps à répondre à une réduction de nos émissions. Et si vous regardez les chiffres vers 2060, la différence dans la hausse des prix est nette selon si l’on est dans un scénario de fortes émissions ou de faibles émissions », détaille le chercheur. « Il y a clairement d’importants bénéfices à limiter nos émissions, mais elles ne se verront que plus tard ».
Les effets de la « heatflation » déjà visibles
Ces données ne se cantonnent pas à l’échelle européenne. Selon les calculs des scientifiques, si l’impact de la hausse des températures sur l’inflation variera selon les régions du monde, en moyenne, elle pourrait conduire à une hausse des prix de l’alimentation de 1,49 point de pourcentage par an, dans le meilleur scénario et 1,79 dans le pire d’ici 2035. Ce sont les pays de l’hémisphère sud qui seront les plus touchés, principalement sur les continents africain et sud-américain.
Ce phénomène de « heatflation » a déjà été documenté par plusieurs études scientifiques, mais sans jamais avancer de chiffre concret. Ces hausses de prix s’expliquent par les effets de la météo et du climat sur la production agricole. Cette dernière « est fortement affectée par les changements de températures », précise Maximilian Kotz. « Il existe de nombreuses études qui montre que les cultures atteignent une certaine limite selon le degré de réchauffement, au seuil duquel elles subissent des déclins très importants. Pour des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce, qui s’approchent déjà de ces seuils, nous en voyons déjà les effets ».
Par exemple, en 2022 en Italie, au moins un tiers de la récolte saisonnière de riz, de maïs et d’alimentation animale avait été détruite par la vague de chaleur et la sécheresse qui l’a accompagnée. La Commission européenne avait, elle, abaissé sa prévision de production de blé tendre de 140 à 125 millions de tonnes, tirant les prix vers le haut. Si les chercheurs ont documenté l’effet du changement climatique dans les prix de l’alimentaire, ils n’ont, en revanche, pas trouvé d’impact significatif du réchauffement dans les autres composantes des dépenses des ménages, si ce n’est sur les prix de l’électricité.