C’est la rencontre inattendue de deux mondes. D’un côté, des trafiquants, des escrocs, des entrepreneurs peu regardants avec la loi. De l’autre, des cadres dirigeants d’une grande entreprise française, dont son patron et actionnaire, l’une des plus grandes fortunes de France. Lundi 22 janvier doit s’ouvrir au tribunal correctionnel de Paris le procès, prévu sur deux mois, d’une affaire complexe et à tiroirs, dont le personnage principal sera Franck Julien, propriétaire et président d’Atalian, groupe employant 67 000 salariés et réalisant 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Doté d’un patrimoine estimé par l’hebdomadaire Challenges à 550 millions d’euros, cet homme de 57 ans a transformé en vingt ans la petite société fondée par son grand-père en multinationale des services aux entreprises (nettoyage, gardiennage, espaces verts).
Selon l’ordonnance de renvoi consultée par Le Monde, l’ex-propriétaire du média économique La Tribune est accusé par les juges ayant instruit le dossier d’une « myriade d’infractions », notamment d’abus de biens sociaux, d’escroquerie, de faux et usage de faux. Ils lui reprochent « l’organisation d’une véritable prédation des biens de la société [Atalian] » à son bénéfice. Le montant du préjudice, qui témoigne du caractère exceptionnel de cette affaire de délinquance financière, est évalué entre 36 millions et 37 millions d’euros.
Digne d’un film policier
A l’origine de l’histoire, il y a une scène digne d’un film policier. Dans la soirée du 6 janvier 2015, une camionnette est contrôlée au péage de Fleury-en-Bière (Seine-et-Marne). Dans le coffre, les policiers découvrent un chauffe-eau et un sèche-linge camouflant près de 2 millions d’euros en liquide. Les billets portent des traces de cocaïne.
Le chauffeur, Hicham Fateh, affirme ne pas savoir qu’il transportait de l’argent. Ce Marocain résidant en Espagne, qui comparaîtra au procès, assure qu’un compatriote faisant de l’import-export lui a demandé de convoyer le véhicule acheté en Allemagne dans son pays d’origine. Les douanes judiciaires vont mener des investigations d’ampleur pour tenter de déterminer à qui appartient l’argent. Sans succès. Plusieurs personnes, dont deux frères vivant à Rennes et accusés de faire dans le trafic de véhicule, sont néanmoins soupçonnées. Au total, quatorze personnes sont renvoyées devant le tribunal.
A défaut d’avoir trouvé la raison d’être de ce transfert de cash, les enquêteurs ont suivi une autre piste, fructueuse cette fois. Les relevés téléphoniques d’Hicham Fateh montrent que l’un de ses contacts au moment du transport de fonds communique également avec un homme au Maroc. Celui-ci s’avère être le majordome d’un riche homme d’affaires, Franck Julien, possédant une villa à Marrakech : les enquêteurs se demandent si les 2 millions d’euros ne lui sont pas destinés.
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