Il y a juste un an, en janvier 2023, nous avons créé l’Académie franco-allemande de Paris, qui réunit des personnalités issues d’horizons divers, mais unies par un même engagement. Il nous a semblé urgent d’aider à changer le regard de la France et des Français sur l’Allemagne. Plusieurs voies sont possibles, mais il y a bien un chemin qui ne peut être délaissé : il faut pouvoir se parler, et pas seulement par le détour utilitaire de l’anglais.
On peut faire du business en anglais, mais on ne peut pas vraiment découvrir l’autre, comprendre son histoire et ses réactions, partager ses émotions, sans entrer un peu dans la langue qui l’a formé : oui, une langue « maternelle » est bien une matrice culturelle et nourricière. Dans un monde où les valeurs qui unissent nos deux pays sont profondément remises en cause, Français et Allemands ont besoin de parler la langue de l’autre pour réussir ensemble.
En France, de moins en moins d’élèves apprennent l’allemand alors que c’est la langue de notre plus proche voisin et principal partenaire européen. Le constat est alarmant : à la rentrée 2023, 13,5 % des élèves français, soit environ 800 000 jeunes, étudient l’allemand, ce qui représente en quinze ans une baisse de 38 % des effectifs. Sur cette même période, le nombre de professeurs d’allemand a dramatiquement diminué de 45 %.
Elitiste et ardue
Les chiffres nationaux révèlent d’importantes disparités : la majorité des académies comptent entre 5 % et 10 % d’apprenants de l’allemand, tandis que les trois académies de l’Est – Reims, Strasbourg, Nancy-Metz – tirent, logiquement, les chiffres vers le haut. L’importance de la coopération franco-allemande, dans le domaine culturel, économique et militaire, est pourtant loin de se concentrer sur les seuls territoires frontaliers. L’évolution de la situation outre-Rhin est équivalente à la nôtre, marquée par une baisse du nombre de jeunes apprenant le français, à la fois dans le secondaire et à l’université.
La tendance n’est, hélas, pas nouvelle. Si le début des années 2000 avait vu l’introduction de classes bilangues dans certains collèges, faisant de l’allemand une sorte de seconde langue vivante 1, leur suppression en 2016 a contribué à accélérer la désaffection des élèves pour la langue de Goethe. Cette désaffection procède par ailleurs de causes multiples et plus profondes : outre l’idée erronée que l’anglais suffit, ce sont la concurrence de l’espagnol voire de l’italien, jugés plus « faciles », ou l’image de l’allemand comme une langue élitiste et ardue, qui serait même moins utile qu’une langue dite « morte ».
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