Une fois par semaine, mon fils de 5 ans sent le feu de bois et rapporte à la maison quelques centaines de grammes de boue, plusieurs poignées de feuilles en divers états de décomposition, parfois des plumes et des insectes morts qu’il livre fièrement sur le parquet du salon. Son activité du jeudi se déroule pourtant au centre d’animation municipal, ou plutôt derrière le centre, dans une sorte d’étroite friche où les mauvaises herbes, aussi hautes que lui et ses copains, sont reines et au milieu de laquelle une sorte de cuve rouillée leur permet de faire griller des bouts de bois pour s’enduire les joues de charbon, façon sioux.
L’animatrice ne semble pas le moins du monde contrariée par les hurlements d’excitation qui envahissent la friche, une fois que nous, les adultes, avons refermé la grille. Les gosses disposent d’une heure trente pour grimper sur les branches, patauger dans les flaques, remplir les trous du mur de mousse pour « faire un nid » et collecter ce qui leur tombera sous la main. En conséquence, ce lieu qui me fait toujours un peu l’impression d’un terrain vague lilliputien au milieu du béton parisien correspond probablement à l’idée que mon enfant se fait du paradis.
A l’heure de la sixième extinction de masse et des chocs climatiques, je me prends tout de même à douter que cette expérience hebdomadaire, un peu scoute de troisième zone, suffise à faire de mon fils un humain éveillé à la beauté du vivant et à la nécessité de le protéger en réduisant de façon drastique les gaz à effet de serre, les pesticides, le plastique et le béton. Elle a, en revanche, l’avantage d’être à portée de main, tout comme les coléoptères qu’il a sans doute martyrisés.
Se mettre dans les pas des jeux des enfants
A en croire certaines lectrices de cette chronique, c’est pourtant un début qui en vaut bien un autre. Comme Madgalena, 43 ans, qui a écrit à « Chaud devant » pour témoigner qu’elle mise tout sur des jeux dans la nature plutôt que sur les leçons de morale écologique, elle qui vit avec un chercheur spécialiste de l’adaptation au changement climatique, et a elle-même un temps investi les sphères militantes du climat. « Ce que j’ai choisi pour mon enfant, c’est de la connecter au vivant », a-t-elle consigné par e-mail. « Car notre fille va vivre “autre chose”. Alors, il s’agit de son ancrage, de sa sécurité émotionnelle, psychique et physique. Les nouvelles viendront à elle, nous serons là. L’effondrement de la biodiversité, le changement climatique sont le problème de son père et le mien », écrit-elle encore.
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