D’une pierre deux coups. L’Union européenne a franchi deux pas décisifs, jeudi 1er février, à la faveur d’un conseil extraordinaire des dirigeants de ses Etats membres. Le premier porte sur le déblocage du volet d’aide pour l’Ukraine d’un montant de 50 milliards d’euros sur quatre ans qui était retenu en raison de l’opposition d’un des Vingt-Sept, le premier ministre hongrois, Viktor Orban.
Kiev a un besoin d’autant plus impérieux de cette aide que celle de 60 milliards de dollars promise par les Etats-Unis est bloquée au Congrès. Un échec à Bruxelles, où les Vingt-Sept avaient déjà reculé devant l’obstacle hongrois lors du conseil européen de la mi-décembre 2023, aurait envoyé un signal catastrophique à Moscou sur la détermination des alliés de l’Ukraine. En surmontant cet obstacle et en manifestant à nouveau son unité, l’UE montre à Vladimir Poutine que, quels que soient les aléas de la politique intérieure américaine, et quelles que soient les difficultés actuelles sur le front militaire, la ligne européenne de soutien à l’Ukraine reste ferme. Un treizième paquet de sanctions contre Moscou sera d’ailleurs adopté à l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, le 24 février.
L’accord européen de jeudi est aussi un signal adressé à Washington, au début d’une année électorale sur laquelle plane l’ombre de Donald Trump. Le montant total de l’aide des Européens à l’Ukraine dépasse désormais celui de l’aide américaine. L’adoption de cette nouvelle tranche ôte à l’ex-président républicain, actuellement favori dans les sondages, l’argument selon lequel l’Europe est à la traîne des Etats-Unis y compris lorsqu’il s’agit de ses propres intérêts.
« Nous sommes fatigués d’Orban »
Le deuxième pas franchi jeudi concerne Viktor Orban. La pression habilement orchestrée par ses collègues européens ces dernières semaines a fait plier le dirigeant nationaliste hongrois sans que ses partenaires cèdent à son chantage. Il réclamait une révision annuelle de l’aide financière à l’Ukraine, qui aurait fragilisé Kiev en le privant de visibilité budgétaire. Il n’a obtenu qu’un engagement sur un point d’étape au bout de deux ans, qui lui permet de sauver la face chez lui mais n’affaiblit pas le plan européen.
Il y a quelques années, Viktor Orban menaçait l’édifice européen avec ses alliés populistes en Europe centrale ; il est aujourd’hui isolé. C’est le premier ministre polonais, Donald Tusk, de retour au pouvoir à Varsovie après avoir renvoyé le parti Droit et justice (PiS) dans l’opposition, qui a donné le ton en arrivant au conseil jeudi matin. « Le problème n’est pas que nous sommes fatigués de l’Ukraine, a-t-il dit, mais que nous sommes fatigués d’Orban. M. Orban doit décider s’il fait partie de notre communauté ou pas. » Même le nouvel émule populiste de Viktor Orban, le premier ministre slovaque, Robert Fico, est rentré dans le rang au sujet de l’Ukraine.
Donald Tusk a raison : le premier ministre hongrois a plus besoin de l’UE que l’UE n’a besoin de lui. L’amicale pression exercée par la première ministre italienne, Giorgia Meloni, issue de l’extrême droite, et par le président Emmanuel Macron, qui a établi une relation personnelle avec Viktor Orban, a porté ses fruits, de même que les menaces sur les conséquences de sa posture pour l’économie hongroise. L’Europe a bien joué. Il lui faut à présent maintenir le cap de la fermeté, à la fois dans l’aide à l’Ukraine et dans la gestion des revendications de Budapest.