Alors que l’exécutif a annoncé une nouvelle révision constitutionnelle, cette fois pour supprimer le droit du sol à Mayotte, je veux nous mettre en garde contre une évolution qui pourrait mettre en danger la cohérence historique et territoriale de notre droit de la nationalité.
Les justifications de cette proposition relèvent davantage du mythe persistant que de la solution opérationnelle. En ouvrant avec autant de légèreté la boîte à communication, on prend le risque d’entrouvrir celle de Pandore.
Personne ne pourra me soupçonner d’un manque de fermeté en matière d’immigration. Je prêche depuis de nombreuses années pour la mise en place de quotas migratoires, la restriction de l’immigration familiale, des expulsions et des reconduites plus systématiques, ou encore un contrôle strict aux frontières communes de l’Union européenne.
La question du droit du sol est différente. Je n’ai jamais soutenu sa remise en cause, même partielle. En déplacement à Mayotte comme premier ministre, en juin 2015, j’assumais déjà ne pas vouloir ouvrir ce débat. Cette solution repose d’abord sur des arguments en partie fallacieux : un fantasme, une incompréhension et une erreur d’analyse.
Le fantasme, c’est celui de croire que le droit de la nationalité nourrit d’une quelconque manière l’immigration. C’est confondre droit au séjour et droit de la nationalité. Personne ou presque n’immigre en France pour être un jour susceptible d’obtenir un passeport français. On fuit la guerre. On veut mieux vivre. On veut rejoindre sa famille. Idéalement, on veut le faire légalement et obtenir un titre de séjour. Mais personne, avant même d’avoir mis un pied en France, ne cherche à tout prix à devenir français. Notre droit de la nationalité n’est à l’origine d’aucun « appel d’air ».
Flux dramatiques
L’incompréhension, c’est sur ce qu’est réellement le droit du sol. Contrairement aux pays d’immigration, comme les Etats-Unis, où il est immédiat et intégral, en France, il est soumis à condition. L’attribution de la nationalité n’est automatique que dans le cas d’un « double droit du sol » : un enfant né en France dont au moins l’un des deux parents y est également né. Mais lorsqu’un enfant naît en France de deux parents étrangers, il ne peut obtenir la nationalité française à 18 ans que s’il réside dans notre pays et qu’il justifie de cinq ans de résidence habituelle depuis ses 11 ans.
L’erreur d’analyse, c’est de croire que le droit du sol est responsable de la situation insupportable que connaît Mayotte. Depuis 2018, il est déjà plus strictement encadré sur l’Île aux parfums qu’en métropole. Les enfants qui y naissent de parents étrangers ne peuvent devenir français que si, au moment de leur naissance, l’un des deux parents résidait en France de manière régulière et ininterrompue depuis trois mois.
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