Aux États-Unis, le recours à l’intelligence artificielle se répand dans les campagnes électorales.
Une candidate démocrate utilise même cette technologie pour récolter des informations sur ses potentiels électeurs.
Le 20H de TF1 l’a rencontrée.
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Jusqu’où ira l’intelligence artificielle ?
Des milliers d’habitants de Pennsylvanie ont récemment reçu un appel les invitant à voter pour une candidate au Congrès américain. En période électorale, rien de surprenant, à un détail près : au bout du fil, c’est une intelligence artificielle qu’ils entendent. La démocrate Shamaine Daniels utilise cette nouvelle technologie pour détailler son programme à la population de cet État de l’est. Lorsque quelqu’un décroche son téléphone, une voix prend la parole : « Bonjour, je m’appelle Ashley, je suis une intelligence artificielle et je travaille pour une campagne électorale, comment ça va ?«
Ashley pose alors plusieurs questions à son interlocuteur avant d’engager la discussion. Capable de parler plusieurs langues, elle peut aussi détailler le programme de la candidate démocrate sur demande, comme l’a testé notre journaliste dans le reportage de TF1 à retrouver en tête de cet article. Les conversations générées grâce à cette IA sont enregistrées et permettent à Shamaine Daniels d’adapter son programme aux réponses obtenues.
« Cette IA me fait économiser beaucoup d’argent »
« Ashley nous permet de connaître les sujets qui comptent réellement pour les gens, justifie cette femme politique. On s’assure ainsi que les messages que l’on porte sont les bons, que cela intéresse les électeurs. Et puis, ça libère du temps à mon équipe de campagne pour des choses plus importantes. » La candidate se refuse à communiquer le coût précis d’Ashley, mais l’utilisation de cette IA serait plus avantageuse que les outils actuels. « Elle me fait économiser beaucoup d’argent, son prix est bien plus abordable que celui d’une entreprise de sondages », poursuit-elle devant notre caméra. « En plus, les informations récoltées sont bien plus précises qu’un simple sondage.«
Mais ce genre de technologie pourrait-il être détourné par des personnes mal intentionnées ? Impossible selon son créateur, qui explique ne l’avoir pas programmée ainsi. « Ashley n’a pas de mémoire, souligne ainsi Ilya Mouzykantskii, PDG de l’entreprise fondatrice de cette IA. Elle ne peut donc pas répéter lors d’un appel une information obtenue lors d’un précédent. On a travaillé dur pour qu’Ashley soit sans danger, mais l’intelligence artificielle peut évidemment être dangereuse. » D’autant plus en période électorale, car cette technologie est de plus en plus utilisée par les équipes de candidats.
Inquiétudes sur le manque de régulation
Mais certains communicants ne le font pas en toute transparence. Une vidéo du parti républicain, censée montrer l’état du monde si Joe Biden était réélu à la Maison-Blanche, a ainsi été montée grâce à des images anxiogènes ultra-réalistes… mais inventées de toutes pièces. L’utilisation de l’IA n’est mentionnée qu’en tout petits caractères, en haut du clip de campagne. Parfois, aucune indication n’est même précisée.
C’est ainsi que l’équipe de l’ex-candidat à la primaire républicaine Ron DeSantis a partagé une vidéo dans laquelle on voit celui qui était alors son rival, Donald Trump, enlacer son ancien expert Covid, Anthony Fauci, détesté par les électeurs de droite. Problème : ces photos sont fausses, cette scène n’ayant jamais existé. Malgré tout, aux États-Unis, rien de tout cela n’est répréhensible. « Le Premier amendement de la Constitution américaine protège la liberté d’expression politique, résume Peter Loge, directeur de l’École des médias et des affaires publiques à Washington D.C. « Les gens peuvent dire à peu près tout ce qu’ils veulent, même en utilisant l’IA.«
« C’est juste un outil, il n’y a pas de règles spécifiques autour de son usage », détaille ce politologue. « Où sont les limites ? Où sont les garde-fous ? Rien de tout cela n’a été mis en place. » Cette absence de régulation inquiète les spécialistes, alors que le scrutin de 2024 a déjà été rebaptisé comme « l’élection de l’intelligence artificielle ».