Mercredi, des médias américains révélaient l’existence d’une arme spatiale nucléaire créée par Moscou.
Si la Maison-Blanche a confirmé que la Russie développe une arme antisatellite, elle a refusé de préciser si cette dernière avait une dimension nucléaire.
TF1info revient sur ce que l’on sait de cette technologie mystérieuse.
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Ukraine : bientôt deux ans de guerre
Tout a commencé avec un communiqué sibyllin. Depuis l’annonce, mercredi 14 février, d’informations « relatives à une grave menace pour la sécurité » des États-Unis, l’Occident s’inquiète du développement par la Russie d’une nouvelle arme qu’elle pourrait déployer dans l’espace. Alors, s’agit-il d’une arme nucléaire spatiale ? Vise-t-elle les satellites artificiels ou la Terre ? On fait le point sur tout ce que l’on sait de ce projet mystérieux.
L’arme est en cours de développement
Face à un communiqué bien énigmatique, les médias américains cherchent à en savoir plus. Citant plusieurs sources anonymes, ABC News et le New York Times révèlent mercredi que les renseignements en question sont « liés à la volonté de la Russie de placer une arme nucléaire dans l’espace ». De quoi provoquer une vague d’inquiétude. Mais près de 24 heures après la publication de cette rumeur hautement alarmante, le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison-Blanche relativise l’information. Bien que « limité » dans les informations qu’il peut partager à ce sujet, John Kirby « confirme » jeudi que cette arme est « liée à une capacité antisatellite développée par la Russie ». Un élément décrit comme « inquiétant » par le porte-parole, sans toutefois donner de raison de s’alarmer outre mesure. Car l’arme ne représenterait aucune « menace immédiate ».
Le même jour, la Russie dément les informations de la presse américaine, les décrivant comme « infondées ». « S’ils font des déclarations, ils devraient au moins les accompagner de preuves », déclare aux agences de presse russes le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov. Le porte-parole du Kremlin, lui, va même jusqu’à suggérer qu’il s’agit d’une « ruse » orchestrée par Washington pour faire adopter par le Congrès l’aide bloquée à l’Ukraine.
L’Occident inquiet malgré le démenti russe
Pas de quoi éteindre les inquiétudes de l’Occident. Et pour cause, les dénégations russes paraissent peu crédibles, tant Moscou a déjà nié par le passé des faits qui se sont avérés par la suite. À titre d’exemple, le Kremlin avait démenti pendant des semaines vouloir attaquer l’Ukraine, pour finalement lancer son invasion de grande ampleur. C’est pourquoi ce jeudi, devant Volodymyr Zelensky, le président français a évoqué les « graves questions » que pose ce projet. « Ces faits, s’ils étaient confirmés, seraient si graves, si illégaux, si déstabilisants pour le monde et préoccupants pour les citoyens que la Russie doit, sans tarder, donner des explications », avait lancé Emmanuel Macron lors de la conférence de presse.
Le chef de la diplomatie américaine s’est quant à lui inquiété auprès de ses homologues indiens et chinois, en marge de la Conférence sur la sécurité de Munich. Auprès de Subrahmanyam Jaishankar et Wang Yi, Antony Blinken a relevé que le « développement d’une telle capacité anti-satellite devrait être un sujet de préoccupation ».
La piste d’une arme à impulsion électromagnétique
Mais derrière ces prises de parole, plus ou moins rassurantes, que sait-on exactement de cette arme ? « On ne parle pas là d’une arme qui peut être utilisée pour attaquer des êtres humains ou provoquer des destructions sur la Terre », a argué John Kirby. Et pour cause, il apparait en fait que cette arme serait plutôt destinée à menacer les satellites militaires ou civils. Vendredi, Joe Biden a confirmé cette information. S’il n’a pas donné plus de précisions sur le développement d’une « arme antisatellite » par Moscou, le président des États-Unis a précisé que « quoique fasse la Russie, les attaques se limiteraient à l’espace ».
INTERVIEW – Bientôt une arme nucléaire spatiale ? Les explications de Robert Ranquet, spécialiste du nucléaireSource : TF1 Info
Deux hypothèses se dessinent ce dimanche. Dans le premier cas, l’arme pourrait prendre la forme de brouilleurs de signaux, d’armes capables d’aveugler les capteurs d’images. Dans la seconde piste évoquée à travers la presse, bien plus grave, il s’agirait d’une technologie d’impulsions électromagnétiques (EMP). Ce dispositif à propulsion nucléaire aurait la capacité de griller l’électronique de tous les satellites dans une certaine zone orbitale, comme l’explique Reuters. En 2023, une étude réalisée par le Centre d’études stratégiques et internationales montrait en effet comment une détonation nucléaire dans l’espace provoque des effets immédiats et durables sur l’orbite terrestre. Les impulsions de rayonnements à haute énergie tels que la chaleur, les rayons X et autres rayonnements peuvent « endommager les satellites proches et aveugler leurs capteurs ».
L’arme du « derniers recours » contre les satellites
Ainsi, ce projet prendrait plutôt la forme d’une arme créant une vague d’énergie massive, et non pas celle d’une ogive nucléaire à proprement parler, qui serait destinée à abattre des satellites. En explosant, l’arme paralyserait potentiellement une vaste partie des satellites commerciaux et gouvernementaux, comme le souligne CNN ce samedi. « La grande crainte de tout éventuel dispositif EMP mis en orbite, est qu’il puisse rendre inutilisable de larges champs de l’orbite », précise un responsable américain sous couvert d’anonymat. À l’instar d’un champ de mines, cette zone « se révélerait alors dangereuse pour tout nouveau satellite qui pourrait être lancé ». À noter toutefois que selon les sources interrogées par CNN, cette arme ne servirait qu’en « dernier recours » pour Moscou, puisqu’elle causerait les mêmes dégâts à tous les satellites russes.
Malgré ces nombreuses informations, toutes dévoilées sous couvert d’anonymat, de nombreuses zones d’ombre persistent. Il est impossible à l’heure actuelle de savoir quel est le stade de développement de cette technologie. On ne sait pas non plus si le dispositif, tel qu’il a été conçu, pourrait avoir un impact sur les satellites de commande et de contrôle nucléaires des pays dotés de l’arme nucléaire, qui circulent sur une orbite plus élevée. Toujours est-il que, quelle que soit la méthode, le constat est le même : la Russie chercherait bien à déployer une arme à impulsion électromagnétique nucléaire. Une information « troublante », pour reprendre l’expression de la Maison-Blanche, c’est le moins que l’on puisse dire. Si l’arme est toujours en cours de développement, une éventuelle mise en orbite contreviendrait au Traité sur l’espace de 1967, signé notamment par les États-Unis et la Russie. Il interdit précisément le déploiement d’armes nucléaires dans l’espace.