La ministre de l’éducation nationale, des sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra, était en visite à l’école publique Littré à Paris, mardi 16 janvier. Au cœur d’une polémique sur la scolarisation de ses enfants, cette visite était censée mettre fin à la première crise du gouvernement Attal.
La ministre, visage fermé, arrivée aux alentours de 11 h 45, a été accueillie par un concert de huées, de sifflets et de casseroles par des personnes manifestant « pour la défense de l’école publique ». L’entourage de Mme Oudéa-Castéra avait pourtant, lundi soir, annoncé cette visite « pour aller à la rencontre des professeurs et l’équipe dirigeante de l’établissement, et échanger avec eux ».
« Fais comme tes enfants, retourne dans le privé ! », lui a lancé un des manifestants à son arrivée, selon les journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) présents. « Il y en a assez de cette politique qui casse l’école publique, ne roule que pour le fric », ont scandé d’autres manifestants.
Accueillie à sa sortie comme à son arrivée une heure avant – par des huées –, Amélie Oudéa-Castéra a déclaré qu’elle « devait » des « excuses » pour avoir « blessé » les enseignants et qu’elle « regrettai[t] de les avoir cités nommément » devant la presse lorsqu’elle avait évoqué, vendredi, les « paquets d’heures (…) pas sérieusement remplacées » dans le public. Au micro de BFM-TV, la ministre a par la suite affirmé être « là pour faire réussir l’école ».
« J’ai à cœur qu’ils [les enseignants] puissent être un peu épargnés de tout ça et retravailler dans la sérénité », a-t-elle souhaité. « C’était aussi une conversation utile, constructive, dans laquelle on a évoqué ensemble l’avenir de l’école. Ils m’ont fait part de leurs attentes, de leur vision de comment améliorer et traiter les problèmes de l’école. C’est cette feuille de route [qui contient un projet] que je vais continuer à porter, en restant à l’écoute », a ajouté la ministre. Elle a aussi affirmé vouloir retourner sur le terrain dès la fin de semaine « et dans les semaines qui viennent » avant de clamer sa volonté de « continuer le dialogue social » avec les syndicats.
Anne Hidalgo dit partager « l’indignation des enseignants et des parents »
Dans une lettre adressée à Mme Oudéa-Castéra, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a affirmé mardi midi partager « l’indignation des enseignants et des parents qui ont été heurtés par les propos de la ministre de l’éducation nationale ». Dans l’extrait du document, publié sur son compte Instagram, Mme Hidalgo affirme que la parole de la ministre « est une forme de défiance et de mépris pour l’école publique, qui mérite qu’on la soutienne, non qu’on la dénigre ». « Je vous invite, poursuit la maire de Paris à l’attention d’Amélie Oudéa-Castéra, à la cohérence et à la responsabilité, en revenant sur les suppressions de postes d’enseignants passées et à venir à Paris. »
Depuis ses propos tenus vendredi à l’issue d’un déplacement avec le premier ministre, Gabriel Attal – dont le gouvernement affronte sa première tempête –, Mme Oudéa-Castéra, nommée jeudi à la tête du super ministère, est embourbée dans la polémique. Tant son choix d’inscrire ses trois fils à l’école Stanislas, prestigieux établissement privé et conservateur des beaux quartiers de la capitale, que ses motivations déclarées, à savoir « des paquets d’heures pas sérieusement remplacées » dans le public, affirmations contredites par l’enseignante impliquée, ont provoqué un tollé.
La ministre a tenté de faire machine arrière en disant « regretter » d’avoir « pu blesser certains enseignants », mais en vain. La controverse continue d’être alimentée par les syndicats d’enseignants, tout comme par la gauche et l’extrême droite, qui l’accusent d’avoir menti sur ses motivations et réclament sa démission.
Plainte devant la Cour de justice de la République
Le Syndicat national des agents publics de l’éducation nationale (SNAPEN) a déposé une plainte contre la ministre devant la Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à poursuivre et juger des membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 8,99 euros par mois au lieu de 10,99 euros
S’abonner
Cette plainte en diffamation « vise à sanctionner [les] propos [de la ministre] qui touchent la réputation des agents en décrédibilisant l’enseignement public et, plus généralement, à imposer le respect dû par les plus hautes administrations à ces derniers », a commenté Gérard Lenfant, président du SNAPEN. Ce syndicat se présente comme « apolitique », ouvert à « tous les personnels du ministère de l’éducation nationale présents sur le terrain dans les académies de Toulouse et Montpellier ».
Les plaintes adressées à la CJR sont filtrées par une commission des requêtes, qui peut les classer ou les transmettre à une commission d’instruction. A l’issue de l’instruction, cette commission prononce un non-lieu ou un renvoi en procès.