L’AVIS DU « MONDE » – POURQUOI PAS
On n’attendait pas Gabriel Abrantes, figure du jeune cinéma d’auteur portugais, bricoleur de fantaisies hétéroclites, aux commandes d’une production horrifique pur jus, en l’occurrence un film de maison hantée, Prix du jury (ex æquo) au Festival de Gérardmer, dimanche 28 janvier. Au bric-à-brac postmoderne de Diamantino (2018, coréalisé avec le comparse Daniel Schmidt), succèdent donc les rigueurs du genre, ses conventions aussi, à la faveur d’un virage qu’on percevra, de la part d’un réalisateur à forte valeur artistique ajoutée (exposé à la Tate Britain ou au Palais de Tokyo), soit comme une discipline, soit comme l’abordage d’un nouveau marché, et pourquoi pas les deux.
Amelia’s Children, production portugaise parlant l’anglais international, agite le motif de la lignée maudite et carbure à l’angoisse œdipienne des origines. Edward (Carloto Cotta), New-Yorkais orphelin tourmenté par sa filiation, se découvre un frère biologique (le même avec les cheveux longs) localisé dans une région reculée du Portugal. Il s’y rend avec sa petite amie Riley (Brigette Lundy-Paine) pour un séjour dans le palais de famille, où ce jumeau veille au grain sur leur vieille mère Amelia (Anabela Moreira). Dès leur installation, les hôtes sont assaillis de visions cauchemardesques et témoins d’étranges incidents.
Fable vampirique
Amelia’s Children loge l’effroi à l’endroit de la « Mère », et plus encore à la surface de son visage labouré par la chirurgie esthétique, évoquant certains spécimens pour tabloïds de la noblesse ibérique telle la duchesse d’Albe. Autour de l’inquiétante châtelaine botoxée se noue la fable vampirique d’une classe dominante s’accaparant une jeunesse éternelle en immolant sa propre progéniture (inceste et sacrifices de nourrissons sont au rendez-vous). Sympathique programme qui, malheureusement, accuse surtout les insuffisances d’une mise en scène à la traîne, laborieuse, répétitive et jouant le chronomètre.
On regrette, de même, un décor de manoir largement sous-exploité (en fait une toile de fond interchangeable), et des hantises familiales surtout tricotées par les dialogues, plutôt que de donner lieu à des images marquantes. La maternité dégénérée selon Abrantes ne s’incarne jamais complètement, sauf peut-être à la toute fin, à l’occasion d’une coda faussement idyllique et d’un troublant regard caméra.
Film portugais de Gabriel Abrantes. Avec Carloto Cotta, Brigette Lundy-Paine, Anabela Moreira, Alba Baptista, Rita Blanco (1 h 32).