mercredi, octobre 2

« J’avais une facilité, quand on a tout ce qu’on veut, on cherche toujours plus. Mais à chercher toujours plus, on ne sait pas ce qu’on veut le plus. » Adrien L. en est conscient, il n’a pas le profil des autres accusés jugés pour des viols sur Gisèle Pelicot. Il vient d’une famille « structurée et aimante », comme le rappelle à plusieurs reprises le président de la cour criminelle du Vaucluse qui va le juger pour la deuxième fois en quelques mois.

Adrien L. fait partie du groupe des sept co-accusés pour lesquels les faits sont examinés cette semaine. Lui est le plus jeune, 34 ans. Les viols qu’on lui reproche font partie des plus anciens découverts dans les vidéos filmées et consignées par Dominique Pelicot, ils datent de 2014.

Il a toujours assuré pendant l’instruction ne pas avoir su que Gisèle Pelicot avait été droguée, mais ce qui intéressait la cour, ce mardi 1er octobre, c’était de comprendre comment ce garçon, fils de bonne famille, fils d’un couple dont il envie la réussite, a-t-il pu passer à l’acte?

Famille « aimante »

Quand il décrit son parcours, Adrien L. -allure de gendre idéal, à la barbe soigneusement taillée et à la voix claire- évoque « un parcours de vie cabossé ». Certes, il a grandi dans une famille aimante, avec une mère « surprotectrice », un père à qui il voue une « admiration » et une sœur dont il est complice. Scolarité en école privée, puis école en travaux publics, la même que son père, puis un emploi dans l’entreprise familiale, l’une des plus importantes de la région avec un chiffre d’affaires dépassant les 130 millions d’euros.

« Je ne travaillais pas pour l’entreprise, je travaillais pour mon père. Je voulais que mon père me regarde avec des yeux… C’est vraiment quelqu’un, pour moi, je travaillais comme un chien et il m’a mis de côté… », souffle-t-il depuis le box des accusés.

Un premier accroc dans le parcours de celui qui dit « ne pas avoir pris le bon chemin ».

Côté vie privée, Adrien L. collectionne les compagnes. Il y a son amour de jeunesse qui tombe rapidement enceinte. Elle a 16 ans, lui 18. « Les dates ne coïncidaient pas. Il était parti travailler plusieurs mois quand elle est tombée enceinte », insiste la mère de l’accusé, venue témoigner ce mardi. Les parents le poussent à faire un test de paternité. En 2011, Adrien L. découvre qu’il n’est pas le père de la petite fille. « Il n’était pas en colère, car il a continué à s’en occuper même en sachant qu’il n’était pas le père », veut croire sa sœur, venue également témoigner.

Pourtant, il a « eu la haine envers les femmes ». « Je n’avais jamais trompé personne, je n’avais jamais trahi, comment on a pu me faire ça? J’ai commencé à multiplier les rencontres. Pour moi, il n’y avait plus d’intérêts à porter aux femmes », soutient-il.

« Haine des femmes »

Cette haine contre les femmes va se tourner contre sa nouvelle compagne, la mère de son fils. « Je lui ai fait beaucoup de mal », concède-t-il sans ciller. La veille, l’enquêtrice de personnalité avait évoqué les menaces qu’il a proférées contre cette femme au moment de leur séparation, allant jusqu’à menacer de s’en prendre à leur fils.

La sexualité d’Adrien L. est décrite comme « exacerbée ». Il pratique le libertinage, fréquente les clubs échangistes. Ses autres compagnes ne sont pas épargnées. Adrien L. a été condamné en appel, il y a quelques mois, à 14 ans de réclusion criminelle pour des viols et des violences commis sur trois d’entre elles, en 2017 et 2018.

Sa sœur et sa mère, qui décrivent donc pour la deuxième fois devant une cour criminelle une personnalité « gentille, généreuse, protectrice », veulent croire que ce parcours criminel s’explique par deux évènements. Il y a cette agression sexuelle dont il dit avoir été victime à l’âge de 8 ans et qu’il a tue à sa famille pendant une vingtaine d’années.

Des attouchements, sur lesquels il ne veut pas s’exprimer, commis par un cousin. Un proche mis en valeur par ce père idolâtré. Il y a aussi le décès, dans des conditions non évoquées, en 2020 de sa fille qu’il s’apprêtait à reconnaître. Le président rappelle toutefois que ce décès est postérieur aux faits reprochés.

Pour tenter de trouver une explication à ce passage à l’acte, la cour a interrogé les experts. « Le parcours facile peut aussi engendrer un parcours complexe », retient l’experte psychologue qui l’a rencontré en 2021. « Quand il y a une difficulté, c’est là que des failles narcissiques peuvent se mettre en place. » Son « manque d’estime » et sa « frustration » ont-ils fait l’objet d’un travail? Aujourd’hui, Adrien L. l’affirme, sa haine contre les femmes « a été polie ».

Article original publié sur BFMTV.com

Partager
Exit mobile version