Chacun sa « flèche du temps ». Cette allégorie a permis au sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, de mobiliser ses joueurs sur un objectif : remporter la Coupe du monde de rugby, qui a commencé le 8 septembre. Pour le journaliste sportif Matthieu Lartot, la flèche du temps a déjà atteint sa cible : assister debout, au Stade de France, au match d’ouverture France – Nouvelle-Zélande. Avant de reprendre son poste à France Télévisions et de commenter les rencontres internationales, comme il le fait depuis quatorze ans. En commençant par Afrique du Sud-Ecosse, dimanche 10 septembre, aux côtés de Dimitri Yachvili, ancien international devenu consultant pour les chaînes publiques. Une victoire pour celui qui a été amputé de la jambe droite, le 16 juin, à la suite d’un cancer du genou.
Debout, souriant et marchant, grâce à une prothèse et des béquilles : c’est ainsi que le journaliste sportif, cheveux courts et AirPods dans les oreilles, nous apparaît début août, arpentant, comme d’autres font des longueurs de piscine, la place qui relie le centre de rééducation de Châtillon (Hauts-de-Seine), où il a été hospitalisé, et le bistrot Les Canailles, où nous avons rendez-vous. « Je suis en très grande forme, comme rarement. » Si Matthieu apprécie la culture de la troisième mi-temps, en ce milieu d’après-midi, ce sera un Coca Light.
Il a minci, un peu, a bonne mine. « J’ai commencé à marcher un mois et six jours après avoir été opéré », précise-t-il, histoire de souligner la performance. Lui qui exalte les exploits sportifs des autres à l’écran avec une gourmandise communicative garde en toute chose un esprit « compète ». « On m’a dit qu’il y avait deux extraterrestres dans le centre : Adama – un patient amputé arrivé un peu avant moi, qui m’a donné beaucoup de force, d’énergie – et moi. On se tire la bourre maintenant. » Il faut bien se trouver des raisons d’avancer, car, précise-t-il, « c’est très énergivore la marche avec une prothèse ».
Sentiment d’utilité
A 16 ans, les médecins diagnostiquent à Matthieu Lartot un synovialosarcome, cancer rarissime du genou. Après une opération, une rechute, une autre opération, des mois d’hospitalisation et de chambre stérile, il s’en sort, à 18 ans et demi, avec une jambe raidie par une première prothèse fixée entre le tibia et le fémur. Obligation d’arrêter le rugby. Il sera journaliste. A 43 ans, lorsqu’il a appris sa récidive, très agressive, à la fin de l’hiver, il s’est rendu au centre de rééducation et a fixé ses conditions – être le 8 septembre au Stade, debout. « Ils étaient un peu sceptiques, entre chimio, cicatrisation… » Avant de réussir son pari, grâce à la compétence du personnel soignant, tient-il à souligner, et à son entourage. « On ne peut pas affronter ça tout seul. »
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