Son intervention était attendue. Fabien Galthié n’avait plus pris la parole depuis sa conférence de presse, plusieurs dizaines de minutes après la fin du quart de finale du Mondial perdu de justesse face à l’Afrique du Sud (28-29), le 15 octobre. Abattu, comme tous les joueurs et le staff du XV de France, pour qui la défaite sonnait le glas des ambitions de sacre à domicile, le sélectionneur tricolore avait laissé la Coupe du monde en France s’achever – sur le sacre des Springboks –, puis coupé. Il fallait respecter « le temps du deuil » après cette élimination, a déclaré le technicien français, mercredi 8 novembre.
Après avoir animé un entraînement avec des jeunes du Paris Université Club (PUC) – où il a davantage joué avec les enfants qu’entraîné –, Fabien Galthié s’est exprimé pour la première fois sur « l’énorme déception » provoquée par la sortie de route précoce de ses Bleus dans « leur » Mondial. « Le seul objectif que nous voulions atteindre était d’être champions du monde. Il n’y en avait pas d’autre, et la déception aurait été la même si on avait perdu en demi-finale ou en finale d’un point », a martelé le sélectionneur, reconnaissant que « cette blessure formera une cicatrice que l’on aura à vie ».
S’il a expliqué avoir présenté à ses troupes, dans la semaine précédant le quart de finale, les deux scénarios possibles, celui de « la dislocation » après quatre mois passés ensemble – où les Français ont été contraints d’évacuer leur hôtel avant midi au lendemain de leur défaite, et de se quitter abruptement – a laissé des traces. Et Fabien Galthié a attendu cinq jours avant de pouvoir revoir la rencontre perdue de si peu : « On meurt à un point ! » Dans le train le ramenant dans ses contrées lotoises, le technicien s’est replongé dans le France-Afrique du Sud ayant douché une nation.
Pas de remise en cause des stratégies
« Sur un plan tactique, je referais la même chose si c’était à refaire », a assuré le coach, rejetant toute erreur. S’il reconnaît qu’il ne pourra esquiver une remise en question, l’ancien entraîneur du Stade français a trouvé dans les « datas », ces données dont il irrigue son management, de nombreuses raisons de ne pas « tout remettre en question » après cette défaite d’un point. Important au rugby la notion d’expected goals, déjà bien connue du football (la probabilité de voir un tir converti en but), le technicien tricolore a relevé que ses hommes, entrés à onze reprises dans la zone de marque sud-africaine, se sont procuré bien davantage d’occasions que leurs adversaires, qu’il a salués pour leur « hyperréalisme ». Reste que « sur le dernier geste, sur des faits de jeu… cela n’a pas suffi », a-t-il reconnu. Et ce sont les Springboks qui ont continué leur chemin jusqu’au titre mondial : « Un point c’est rien, mais un point c’est tout », a soufflé Fabien Galthié.
Si l’arbitrage du Néo-Zélandais Ben O’Keeffe a plus qu’alimenté la chronique depuis près d’un mois, le sélectionneur tricolore s’est gardé de réenclencher la machine. « Il faut accepter la défaite », a répété Fabien Galthié, refermant la page du Mondial en France. Place désormais à un nouveau mandat de quatre ans, avec en point de mire la Coupe du monde 2027 en Australie. Renforcé dans ses fonctions par le président de la Fédération française de rugby (FFR), Florian Grill, au lendemain de la défaite, le sélectionneur tricolore, qui a remis d’aplomb un XV de France sapé par des années de misère, a appelé au maintien de l’esprit d’unité ayant présidé à ses quatre premières années à la tête des Bleus. Notamment entre la Ligue nationale de rugby (LNR), émanation des clubs, et la Fédération : « On marche ensemble. Je veux croire qu’on va continuer à marcher ensemble, ça s’appelle la solidarité », a insisté Fabien Galthié, soulignant que la réussite des Bleus irrigue le rugby français dans son ensemble.
Alors que le Top 14 a repris ses droits dès le lendemain de la finale, et que la majorité des internationaux français ont retrouvé leurs clubs – et, pour certains, comme le talonneur toulousain Peato Mauvaka, les terrains –, le sélectionneur français a un peu plus de deux mois devant lui pour relancer la machine, avec un staff renouvelé : début février, son XV de France recevra l’Irlande – autre grand groggy du Mondial français –, à Marseille, pour l’ouverture du Tournoi des six nations.
« La leçon à retenir de cette expérience, c’est qu’il n’y a pas de limite à l’exigence, a conclu Fabien Galthié. Soyons exigeants collectivement, soyons exigeants individuellement, essayons de monter tous encore d’un cran notre niveau. C’est à ce prix qu’on sera performants. » Si la « balafre » de la défaite restera à vie inscrite dans l’âme des joueurs et de l’encadrement français – ainsi que de leurs supporteurs –, Fabien Galthié a vécu suffisamment de désillusions lorsqu’il était joueur pour savoir que ces échecs ne forment « jamais un handicap ». Et vingt-quatre jours après avoir échoué à un point des Springboks, le technicien lotois aspire à se remettre au travail.