Le championnat de Ligue 1 de la République démocratique du Congo (RDC) s’est figé le 24 décembre 2022. Ce jour-là, l’AS Vita Club de Kinshasa, l’un des meilleurs clubs de football du pays, s’imposait (2-1) à Likasi contre l’US Panda et confortait sa place de leader après dix journées. Personne n’imaginait alors que la trêve de quelques semaines permettant aux joueurs de la sélection nationale de préparer la phase finale du Championnat d’Afrique des nations (CHAN) en Algérie se solderait par une annulation pure et simple de la saison 2022-2023.
Théoriquement, les championnats professionnels (L1 et L2) auraient dû reprendre après le CHAN. Mais des problèmes financiers et logistiques ont eu raison des compétitions. « Comme le territoire congolais est immense et les déplacements longs et coûteux, l’Etat a passé un accord avec la Ligue nationale de football [Linafoot] pour prendre en charge ces frais. Mais nous sommes confrontés à un problème de compagnies d’aviation : il y a peu d’avions disponibles pour transporter de 20 à 30 personnes au Congo », explique Lambert Osango, président de l’AC Rangers (L1) et de l’Association des dirigeants de football du Congo (ADFCO)
Selon nos informations, il a manqué par ailleurs environ 800 000 euros, pourtant promis par l’Etat, pour achever l’exercice en cours. Le 27 avril, la Fédération congolaise de football (Fecofa) a été placée sous tutelle de la FIFA et dirigée par un comité de normalisation chargé de mettre un terme à la crise institutionnelle. La date du 5 mai avait été avancée pour le redémarrage des compétitions, mais il a finalement été décidé, sur proposition de Véron Mosengo-Omba, le secrétaire général de la Confédération africaine de football (CAF), d’interrompre définitivement la L1 et la L2.
Les plus optimistes espèrent que la saison 2023-2024 débutera bien à l’automne. Mais « il est de plus en plus difficile d’être professionnel dans un pays où les joueurs ne sont pas considérés », regrette l’international Maxi Nzengeli, 23 ans : « Je ne sais pas qui sont les vrais responsables, les dirigeants du football ou le gouvernement, mais les victimes sont les joueurs et les entraîneurs. Je connais des footballeurs qui sont très angoissés car ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir ni si la prochaine saison ira à son terme. »
Les joueurs s’exilent
Le jeune joueur, capitaine de l’AS Maniema, appartient à l’un des rares clubs congolais à honorer leurs engagements contractuels. Mais l’entraîneur de l’équipe, Papy Kimoto, ne se fait pas d’illusion : « Cet arrêt prématuré des championnats fait courir le risque de voir des joueurs quitter le pays pour trouver un club à l’étranger. »
Depuis deux ans, l’exil des footballeurs congolais s’est en effet accéléré, principalement vers le Soudan, la Tanzanie, l’Angola ou l’Ouganda. « Même si ce n’est jamais facile de quitter son pays, quand on vous propose d’évoluer dans un championnat structuré, qui se déroule normalement – ce qui n’est plus le cas en RDC depuis trois ans –, avec un salaire nettement plus élevé, vous acceptez. Pourtant je jouais à Vita Club, un des meilleurs clubs congolais », explique l’international Fiston Mayele, 28 ans, qui a rejoint en 2021 le club tanzanien des Young Africans, avec qui il s’apprête à disputer la finale de la Coupe de la CAF.
Les départs massifs de joueurs congolais contribuent à affaiblir un peu plus le niveau d’un championnat qui faisait pourtant partie des meilleurs du continent dans les années 2000 et 2010, comme en attestent les multiples titres continentaux remportés par les clubs et la sélection nationale (sept Ligues des champions, deux Coupes d’Afrique des nations et deux CHAN). « A la place des joueurs, je me poserais les mêmes questions et je crains que le nombre d’exils augmente dans les prochains mois », intervient Frédéric Kitengie, secrétaire général du TP Mazembe.
Le dirigeant implore les instances du football congolais de « proposer rapidement un calendrier pour la saison 2023-2024, afin de fixer un cap aux clubs et aux joueurs ». La Fecofa et la Linafoot ont promis de répondre dans les prochaines semaines. « Il ne faudrait pas que ça s’éternise », insiste Sébastien Desabre, le sélectionneur français de l’équipe nationale, obligé de composer son effectif exclusivement avec des joueurs évoluant en Europe et dans d’autres pays africains comme le Maroc, le Soudan et la Tanzanie.