A dix mois des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024, la question reste en suspens à Tahiti : les compétitions de surf se dérouleront-elles sur l’emblématique vague de Teahupoo ? L’installation d’une nouvelle tour des juges dans le lagon cristallise depuis plusieurs mois la colère des habitants, des surfeurs et des écologistes, et pourrait trouver son dénouement mercredi 15 novembre, avec le retour d’experts sur une solution de remplacement. Il n’empêche, la désignation du site olympique, en 2019, constitue un jalon de la féminisation du surf dans l’archipel.
Une légende polynésienne raconte qu’une surfeuse originaire de l’île de Raiatea vint participer à la fête du horue (l’ancêtre du surf) à Tahiti. Malgré les mises en garde, elle empoigna sa planche et s’élança sur la vague de Teahupoo. Elle y prit une vague immense, en s’écriant : « Je suis Vehiatua ite matai, l’enfant des vents, celle qui monte sur les flots de Taaroa. » La foule, conquise par la grâce et la témérité de la jeune femme, la porta en triomphe. Mais le roi, consumé par la jalousie, chassa Vehiatua de l’île et lui vola son nom afin de s’approprier son mérite. Dans le sillage de ce récit, Teahupoo fut longtemps l’apanage des hommes. Mais aujourd’hui, une surfeuse de 23 ans, originaire d’Huahine, l’une des îles de l’archipel, marche dans les pas de Vehiatua : première Polynésienne à avoir affronté Teahupoo, Vahine Fierro sera également la première à la surfer aux Jeux olympiques.
La vague mythique, d’un bleu profond et d’une transparence saisissante, est réputée la plus dangereuse au monde. Large et épaisse, elle peut atteindre 10 mètres de haut. « Tu rames puis l’océan t’entoure de toute sa puissance. Tu as l’impression que le temps s’arrête. Tu vois les bateaux, les montagnes, la rivière… C’est à la fois magique et effrayant », relate la surfeuse française, 4e des Jeux mondiaux 2023.
Sous la surface, un récif de coraux tranchant comme du verre pilé affleure. « Si tu tombes, la puissance de la vague te broie. On devient une marionnette, et le risque est de toucher le récif et de se blesser gravement », relève le surfeur tahitien Kauli Vaast, 21 ans, également qualifié pour la grand-messe olympique.
« Face aux mêmes défis que les hommes »
Les légendes ne sont pas les seules à avoir freiné les femmes sur la vague. Le Billabong Pro Tahiti, qui figurait sur le circuit professionnel féminin au début des années 2000, avait été remisé en 2006 par les organisateurs, qui considéraient Teahupoo trop dangereuse pour les femmes – sans avoir consulté les intéressées.
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