JO de Paris 2024 : le projet de loi olympique dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel

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C’est une décision très attendue. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer, mercredi 17 mai en fin d’après-midi sur le projet de loi dit olympique (relatif aux Jeux olympiques et paralympiques et portant diverses autres dispositions, dans son intitulé exact), adopté par le Parlement le 12 avril.

Le rendez-vous est important pour le gouvernement, qui a fait de ce texte un élément « essentiel » pour assurer la « réussite » des Jeux olympiques (du 26 juillet au 11 août 2024) et des Jeux paralympiques (du 28 août au 8 septembre 2024), en permettant une « organisation irréprochable ».

Le rendez-vous est tout aussi important pour une partie de l’opposition de gauche qui a combattu au Parlement ce projet de loi comportant, pour une large part, des mesures liées à la sécurité et des dispositions dont le champ et la durée d’application s’étendent au-delà des seuls Jeux.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par les députés de La France insoumise (LFI) et les députés écologistes, qui considèrent que ce texte, tout particulièrement avec ses dispositions sécuritaires, comme la mise en place de la vidéosurveillance algorithmique, « méconnaît le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, le principe de nécessité et d’individualisation des peines, ainsi que le droit au respect de la vie privée ».

L’expérimentation de la vidéosurveillance dite « intelligente »

S’il y a bien « un » sujet sur lequel l’avis du Conseil est attendu, c’est celui-là : l’utilisation d’algorithmes d’intelligence artificielle pour traiter automatiquement les images issues de caméras de surveillance ou de drones, que le gouvernement entend autoriser, à titre expérimental, non seulement pour les JOP, mais aussi pour les « manifestations sportives, récréatives ou culturelles » d’une certaine ampleur.

C’est cette mesure qui avait suscité le plus de débats lors de l’examen du projet de loi par les sénateurs et les députés. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait insisté sur « les vingt-huit garanties » encadrant la mise en place de cette vidéosurveillance dite « intelligente » – dont le fait que la Commission nationale de l’informatique et des libertés accompagnera la confection des algorithmes et sera chargée de l’évaluation.

M. Darmanin s’était aussi attaché à présenter cette technique comme « un outil d’aide à la décision » : « Il ne s’agit pas de reconnaître des personnes qui auraient tel ou tel profil mais des situations prédéterminées », potentiellement à risque, comme des mouvements de foule, l’abandon d’un bagage…

Ces argumentaires n’avaient pas convaincu l’opposition. Dans leur recours, les élus LFI et écologistes ont repris une bonne part de leurs critiques, considérant que « ce dispositif porte des atteintes graves aux libertés fondamentales d’aller et venir [et] de manifester », et dénonçant une expérimentation qui s’étendra au-delà des seuls Jeux (jusqu’au 31 mars 2025), avec, selon eux, un risque de pérennisation.

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Ils ont aussi évoqué les risques liés à la définition qui sera donnée – à travers un décret – à un « comportement anormal » que ces algorithmes seront supposés détecter, disant craindre « une pratique potentiellement discriminatoire et raciste ».

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L’extension des enquêtes administratives

Autre mesure visée par le recours : les enquêtes administratives auxquelles le gouvernement veut pouvoir subordonner l’accès aux sites de diverses manifestations pour des personnes autres que les spectateurs (membres de délégations sportives, bénévoles, prestataires).

Les députés LFI et écologistes dénoncent le fait que le champ d’application de cette mesure, qui sera défini par décret, « n’est pas borné dans le temps et pourrait couvrir un grand nombre de manifestations ».

Le gouvernement souhaite en l’occurrence que ces enquêtes administratives s’appliquent en vue des JOP, mais aussi, plus largement, pour les « grands événements » exposés à un risque de menace terroriste – cette mesure étant effective également pour des fan-zones.

La mise en place de scanners corporels

Les députés LFI et écologistes ont aussi invité le Conseil constitutionnel à censurer l’article du projet de loi autorisant la mise en place, aux entrées des manifestations sportives, récréatives ou culturelles de plus de 300 personnes, de scanners corporels pour le précontrôle et le filtrage.

Ils invoquent l’aspect disproportionné de l’usage de ces dispositifs (« sans qu’un risque exceptionnel d’acte de terrorisme ait été démontré ») et l’atteinte au droit à la vie privée.

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La création de nouveaux délits pour les entrées dans les stades et sur les terrains et les interdictions de stade

Autres « cibles » des élus LFI et écologistes : la création de deux délits réprimant l’entrée illicite (en situation de récidive ou en réunion) dans une enceinte sportive et l’entrée sur l’aire ou le terrain d’une compétition, ainsi que l’institution d’une peine d’interdiction de stade obligatoire, et non plus facultative, en cas d’atteinte grave à la sécurité.

Le recours fait valoir que « la notion de fraude est floue » en ce qui concerne les tentatives d’entrée dans une enceinte sportive, et que le texte « ne précise pas suffisamment le type de comportements visés » quand il évoque les entrées sur une aire de jeu.

« En l’état du texte seraient réprimés les envahissements de terrain festifs, après un match », avance le recours. En réalité, c’est l’utilisation de cette disposition à l’encontre des militants pour le climat qui est redoutée par les auteurs du recours.

Sur les peines complémentaires obligatoires, le recours dénonce « une atteinte importante au principe de nécessité et d’individualisation des peines ».

L’institution de tests génétiques antidopage

Un autre sujet avait conduit à de longs débats au Sénat et à l’Assemblée nationale : l’autorisation donnée au Laboratoire antidopage français de procéder à des analyses génétiques.

L’objectif est que celui-ci puisse comparer les empreintes génétiques des sportifs pour détecter des substitutions d’échantillons ou des transfusions sanguines et qu’il puisse également mettre en œuvre des techniques plus intrusives d’examen de caractéristiques génétiques afin de détecter des mutations génétiques naturelles ou le recours à des techniques de dopage génétique.

Ici, c’est le fait que ces tests soient pérennisés au-delà des seuls JOP, sans recul sur les implications éthiques, voire à terme banalisés dans la société, qui a soulevé les inquiétudes. Le recours des députés LFI et écologistes, lui, relève l’absence d’un recueil de consentement préalable des athlètes, y voyant une atteinte à « la vie privée » et « la liberté individuelle ».

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