Ce serait une première historique pour la Coupe du monde de football : en 2030, la compétition pourrait se jouer sur deux continents, l’Europe et l’Afrique. Le 16 mars, lors du congrès de la Fédération internationale de football (FIFA) à Kigali, le Maroc a en effet annoncé être officiellement candidat aux côtés de l’Espagne et du Portugal.
Cette démarche commune, stimulée par l’élargissement de la compétition de 32 à 48 équipes à partir de 2026 et donc par un besoin d’infrastructures en hausse, concurrence celle de quatre pays d’Amérique du Sud (Argentine, Chili, Paraguay, Uruguay). Les candidatures de l’Arabie saoudite, de la Grèce et de l’Egypte devraient, elles, être abandonnées, Le Caire ne souhaitant pas faire de l’ombre au dossier ibéro-marocain. Jusqu’à présent, le Mondial n’a eu lieu qu’une seule fois sur le continent africain : c’était en 2010, en Afrique du Sud.
Le royaume chérifien a déjà été cinq fois candidat à l’organisation du tournoi entre 1994 et 2026. Son ralliement à la candidature hispano-portugaise s’est accéléré ces derniers mois alors que l’Ukraine, qui avait envisagé de s’y associer, a renoncé à la suite de son invasion par l’armée russe. Le royaume a été sollicité par les deux pays européens, qui l’ont sondé afin de connaître ses intentions. Après son échec pour l’édition 2026, il avait l’intention de représenter sa candidature. « Pour organiser une Coupe du monde à 48, les candidatures conjointes vont devenir la norme. Le Maroc ne pouvait pas y aller seul, l’Espagne et le Portugal non plus, ou alors avec moins de chances de gagner. Cette candidature est assez logique », explique Jean-Baptiste Guégan, consultant et auteur de Géopolitique du sport (éd. Bréal, 2022).
Sur le plan diplomatique, les relations entre Rabat et Madrid se sont nettement réchauffées après que l’Espagne s’est alignée sur la position marocaine à propos du Sahara occidental – une réconciliation symbolisée par un sommet en février à Rabat. « Les discussions pour la Coupe du monde ont eu lieu d’Etat à Etat, intervient, sous couvert d’anonymat, une source proche du ministère marocain des sports. Le roi Mohammed VI a été approché directement par les gouvernements espagnol et portugais, et il a donné son accord. »
Six stades homologués
« Il y a également des motifs géographiques et structurels, observe Jean-Baptiste Guégan. Les trois pays sont proches, les distances relativement courtes. Comme ils sont aussi très touristiques, ils sont très bien dotés au niveau du logement, des transports, de la santé. Et ils disposent de stades aux normes FIFA. Cela signifie que les investissements à faire pour organiser une Coupe du monde ne seront pas énormes. C’est tout le contraire pour la candidature adverse. » Ainsi, le Maroc dispose de six stades homologués à Casablanca, Rabat, Tanger, Agadir, Fès et Marrakech, et envisage d’en construire un nouveau, d’une capacité de 100 000 places – soit le plus grand d’Afrique –, à El Mansouria, à 35 km de Casablanca.
Mais l’Espagne et le Portugal se sont aussi tournés vers le Maroc pour des raisons stratégiques, en vue du vote qui aura lieu en 2024 pour l’attribution de la compétition. La Fédération royale marocaine de football (FRMF) a en effet signé, dans le cadre de la diplomatie sportive impulsée par le roi au début des années 2010, 45 partenariats avec des fédérations africaines. Le poids du Maroc en Afrique est réel et le soutien officiel de la CAF laisse supposer que les 53 fédérations voteront pour cette candidature. De son côté, l’Union des associations européennes de football (UEFA) compte 55 fédérations (dont la Russie, actuellement suspendue).
Les prévisions les plus raisonnables laissent donc supposer que le dossier ibéro-marocain pourrait recueillir 105 ou 106 voix en Europe et en Afrique (les pays candidats ne pouvant pas voter), auxquelles viendront s’en ajouter d’autres, notamment asiatiques. Assez pour faire du trio le favori face à la candidature sud-américaine, et ce alors que Gianni Infantino, le président de la FIFA, verrait d’un bon œil que le Mondial, pour son centenaire, retrouve ses terres d’origine – la première édition, en 1930, avait eu lieu en Uruguay –, comme il l’avait déclaré en 2016 lors de sa première campagne pour l’élection. En très mauvais termes avec l’UEFA, l’Italo-Suisse entretient en revanche d’excellentes relations avec la confédération sud-américaine, qui l’a officiellement soutenu lors de sa réélection en mars à Kigali.
Alors que le dossier sera officiellement déposé à la FIFA en juin, les fédérations espagnole, portugaise et marocaine vont organiser dans les prochains jours plusieurs réunions de travail à Madrid. Selon les informations du Monde Afrique, l’Espagne pourrait abriter les matchs de six groupes au premier tour, contre trois pour le Portugal et le Maroc. Fouzi Lekjaa, le président de la FRMF, souhaiterait que son pays accueille également le match d’ouverture ou la finale.