Côté face, l’effort est admirable. Dans la panique de la prise de Kaboul par les talibans, pendant l’été 2021, le président de l’Union cycliste internationale (UCI), David Lappartient, mouille la chemise pour venir en aide aux cyclistes afghans et surtout afghanes, symboles de l’émancipation des femmes et donc cibles privilégiées du pouvoir islamiste.
A la clé, deux opérations d’évacuation réussies de ressortissants afghans. La première, qui a lieu à la mi-août, permet d’exfiltrer 17 personnes par avion militaire. Dans le cadre de la seconde opération, fin septembre, 125 Afghans sont transférés vers des pays occidentaux via l’Albanie. Sur la liste des évacués, dont le contenu n’a jamais été rendu public, figurent non seulement des cyclistes, mais aussi des membres de la société civile locale, explique au Monde David Lappartient, qui décrit cet épisode comme étant « presque l’aventure d’une vie ».
Graves accusations
La belle histoire, abondamment relayée par l’UCI et son président, aurait pu en rester là. C’était sans compter sur le journaliste australien Iain Treloar, à l’époque rédacteur du média australien spécialisé CyclingTips. Quelques semaines après la seconde évacuation, ce dernier se fait ainsi l’écho de graves accusations relatives à son déroulé. « De nombreuses sources affirment à CyclingTips que la liste a été manipulée par la Fédération afghane de cyclisme pour favoriser la famille et les amis de ses dirigeants, avec des tentatives de faire taire les voix dissonantes », raconte-t-il. Selon une source afghane du journaliste, seuls 24 des 125 passagers seraient des cyclistes.
Des accusations anonymes, mais renforcées par le témoignage de Shannon Galpin, activiste américaine de l’organisation non gouvernementale IsraAID et promotrice du vélo féminin afghan. Initialement chargée d’établir la liste des cyclistes à évacuer, elle affirme avoir été progressivement évincée au profit du président de la fédération afghane, Fazli Ahmad Fazli. Son témoignage est étayé par la campagne de décrédibilisation menée à son égard sur les réseaux sociaux par la fédération afghane, qui l’accuse de fraude et remet en question sa santé mentale, dans une série de messages lunaires postés sur les réseaux sociaux.
Iain Treloar révélera plus tard le contenu des menaces qu’aurait envoyées M. Fazli à certains cyclistes restés sur place : « Sachez que j’ai beaucoup d’amis en Afghanistan. Si vous voulez que votre famille et vous-même ne soyez pas blessés, restez calmes », ou encore « Je vais bientôt vous retrouver, et sachez que je ne serai pas calme tant que je n’aurai pas vu vos cadavres ».
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