Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. On espère que les judokas de la catégorie des moins de 63 kg ont bien profité de l’absence de Clarisse Agbegnenou, car la fête est finie, et la superprédatrice du judo féminin est de retour. Onze mois après avoir accouché d’une petite fille et après avoir manqué la dernière édition des Mondiaux, en octobre 2022, la quintuple championne du monde a repris ses bonnes habitudes.
OUIIIII CLARISSE AGBEGNENOU EST 𝐂𝐇𝐀𝐌𝐏𝐈𝐎𝐍𝐍𝐄 𝐃𝐔 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 ! 🤩
6e titre mondial pour la Française 🇫🇷 ! https://t.co/0Yd3ZhV6zP
« Je ne pouvais rêver mieux, a expliqué la championne, au micro de La Chaîne L’Equipe, après sa victoire. J’ai beaucoup travaillé [après ma grossesse], beaucoup pleuré aussi, pour en arriver là. J’ai dit à ma fille que j’allais lui ramener la médaille et la mettre autour de son cou : chose promise, chose due. »
Mercredi, à Doha, au Qatar, elle a ajouté un nouveau titre mondial à son impressionnante collection en battant la Slovène Andreja Leski, dans une redite de la finale des Mondiaux 2021. Et cette sixième médaille d’or mondiale individuelle trouve une place particulière dans sa carrière. « J’y vais avec mes armes du moment. Il me manque encore pas mal de choses, et du travail », avait-elle expliqué avant la compétition.
Sur les tapis qataris, cela ne s’est pas vraiment vu tant elle s’est montrée concentrée, puissante et offensive. Il ne lui a donc fallu que quelques mois et deux compétitions de chauffe – une avec son club à la fin de 2022, où elle s’était blessée au genou, et le Grand Slam de Tel-Aviv (Israël), en février, où elle avait terminé septième – pour retrouver son niveau. Un exploit rare dans un sport où la condition physique et la force sont des éléments capitaux de la réussite. « Je pense qu’il y a un effet psychologique. La patronne est de retour et ça a inquiété tout le monde », a analysé son entraîneur référent chez les Bleues, Ludovic Delacotte.
Six victoires par ippon
Depuis 2013, en huit participations, elle a toujours au moins atteint la finale des championnats du monde et en a gagné six. Il faut remonter à plus de dix ans pour trouver trace d’une élimination précoce lors de ce grand rendez-vous. En 2011, à l’âge de 19 ans, elle s’était inclinée au deuxième tour des Mondiaux de Paris, mais s’était consolée en devenant une jeune championne du monde par équipes.
A Doha, tout au long de la journée, la trentenaire est montée en puissance. Même si elle a attendu la prolongation lors des deuxième et troisième tours, elle a mis un point d’honneur à gagner ses six combats par ippon, successivement face à la Serbe Anja Obradovic, la Cubaine Maylin del Toro Carvajal, l’Israélienne Gili Sharir, la Canadienne Catherine Beauchemin-Pinard, l’Autrichienne Lubjana Piovesana et la Slovène Andreja Leski.
Avant la finale, son combat le plus significatif s’est déroulé en quart de finale face à la vice-championne du monde et numéro deux mondiale, Beauchemin-Pinard. Agbegnenou a rapidement mené au score grâce à un waza-ari, mais a quand même poussé jusqu’au bout en réalisant un magnifique ippon à quelques secondes du terme de ce quart.
Aux Jeux olympiques (JO) de Tokyo, en 2021, les deux judokas s’étaient affrontées en demi-finale, un combat bien sûr gagné par la Française, qui avait remporté au Japon son premier titre olympique.
La patronne du judo tricolore
La Française s’affirme plus que jamais comme la patronne du judo tricolore. Rien ne la perturbe, ni sa maternité – elle a choisi d’être accompagnée en permanence de son enfant, jusqu’à la salle d’échauffement également aujourd’hui – ni les conflits bien plus embêtants avec sa fédération, qui durent depuis déjà quelques années. A Tel-Aviv, elle avait été par exemple privée d’encadrement après un différend avec le président Stéphane Nomis sur le port d’un kimono de son équipementier personnel.
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Face à cette adversité interne, elle fait face, comme elle l’expliquait en avril dans un entretien au Monde : « J’ai déjà géré des Jeux avec une relation très conflictuelle avec la fédération. J’en connais les effets. C’est embêtant et je trouve que ça n’a pas lieu d’être. Mais on ne trouve pas de terrain d’entente. On a essayé à plusieurs reprises, rien ne fonctionne. »
Cette redoutable compétitrice permet à l’équipe de France d’engranger une quatrième médaille lors de ces Mondiaux, mais surtout une première en or (argent pour Shirine Boukli, bronze pour Walide Khyar et Amandine Buchard). C’est de bon augure avant l’entrée en lice d’autres compétiteurs ayant de très belles chances de médailles : Marie-Eve Gahié (– 70 kg), Audrey Tcheuméo (– 78 kg), Romane Dicko (+ 78 kg) et Teddy Riner (+ 100 kg).
A un an des Jeux olympiques de Paris, Clarisse Agbegnenou montre à ses adversaires qu’il est inutile de compter sur une quelconque faiblesse de sa part. « Tout fonctionne, on y va pour Paris 2024 », a lancé la Française après ce nouveau titre.
Pour la battre lors des prochains JO, avec une année d’entraînement en plus et devant un public acquis à sa cause, ses concurrentes devront se montrer meilleures que la désormais sextuple championne du monde.