En 2023, le rugby a soufflé sa 200e bougie. Et alors que la Coupe du monde 2023 s’engage, vendredi 8 septembre, avec un affrontement entre la France et la Nouvelle-Zélande (à 21 h 15), deux bastions historiques de l’Ovalie mondiale, tous les pays du monde n’ont pas, dans leur assiette, la même part du gâteau d’anniversaire. Sur la planète, la répartition de ce sport demeure largement inégale.
« Si nous comptons désormais 132 nations membres de World Rugby, nous avons conscience qu’il n’est un sport puissant que dans une poignée de ces pays », reconnaissait Alan Gilpin, le directeur général de la fédération internationale, interrogé par Le Monde à cent jours du match d’ouverture. « Aussi, il est primordial de développer ce sport à l’échelle planétaire, d’en faire un vrai sport mondial, ce qu’il n’est pas encore. »
Nombre de participations à une
Coupe du monde
Nombre de Coupe du monde remportées
Coupe du monde 2023
Pays non qualifiés mais ayant déjà participé à
une Coupe du monde
Sur neuf Coupes du monde disputées, huit ont été
remportées par les trois géants de l’hémisphère Sud :
la Nouvelle-Zélande (1987, 2011, 2015), l’Australie
(1991, 1999) et l’Afrique du Sud (1995, 2007,
2019, qui n’a pas disputé les deux
premières éditions).
S’ils n’ont laissé que des miettes aux autres pendant
longtemps, leur hégémonie est moins évidente
aujourd’hui. La Nouvelle-Zélande se relève tout
juste d’une mauvaise passe et l’Australie peine à
retrouver son aura d’antan.
Les nations majeures européennes n’ont donc plus rien à
leur envier, même si ces trois sélections restent des
candidates évidentes au titre.
Les nations des îles britanniques (Angleterre, Irlande, Pays de Galles, Ecosse),
berceau historique du rugby, et la France
concentrent les plus grosses fédérations et les
meilleurs clubs du monde. Pourtant, le sacre mondial
leur échappe quasi systématiquement. Seule l’Angleterre
est parvenue à atteindre ce graal en 2003.
Cette année, l’Irlande et la France sont deux
grands favoris. Le XV du Trèfle n’a jamais dépassé les
quarts de finale et le XV de France s’est incliné trois
fois en finale (1987, 1999, 2011).
La Géorgie est fidèle à la
Coupe du monde depuis 2003 et domine depuis
plus d’une décennie le Tournoi des six nations B, la
deuxième division européenne.
Historiquement connus pour leurs piliers rugueux
entourés d’un solide paquet d’avants, les Lelos ont
depuis diversifié et homogénéisé leur jeu. Malgré leur
progression constante, ce serait un exploit, cette année
encore, qu’ils passent les poules.
Unique représentant asiatique en
Coupe du monde, le Japon y participe depuis la création de la
compétition, en 1987. La 14e nation au
classement mondial a même fait une forte impression lors
des deux dernières éditions. En 2015 en battant
l’Afrique du Sud et en 2019 en atteignant les quarts de
finale sur leur sol après s’être défaits de l’Irlande et
de l’Ecosse.
Ils n’ont plus battu de nations majeures depuis. Isolés
pendant la crise du Covid-19, les Brave Blossoms («
fleurs courageuses ») ont régressé et semblent être
moins en position de créer la surprise.
Les îles du Pacifique (Fidji, Samoa et Tonga) regorgent de joueurs
talentueux. Mais, isolées géographiquement et faibles
financièrement, elles voient souvent leurs pépites
s’expatrier en nombre chez leurs voisins néo-zélandais
et australiens, voire de l’autre côté du globe
en Europe.
En 2022, un assouplissement de la règle sur le
changement de nationalité sportive a permis à bon nombre
d’entre eux de pouvoir revenir jouer avec leur pays
d’origine. Un renfort non négligeable pour espérer se
qualifier en quarts de finale.
Petit nouveau de la compétition cette année, le Chili entre dans le club très fermé des vingt-six
nations ayant déjà participé à la
Coupe du monde.
Après s’être qualifiés aux dépens des Etats-Unis, les
Condores vont croiser le chemin de leurs voisins
argentins en phase de groupes. Ce sera la première
opposition entre deux nations sud-américaines en
Coupe du monde.
Car au-delà des six pays européens formant le Tournoi des six nations (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles, Irlande, France et Italie), ainsi que des mastodontes de l’hémisphère Sud (Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Australie), le rugby peine à voir affleurer de nouvelles places fortes. « Les mêmes nations sont émergentes depuis trente ans », constate Yvonnick Le Lay, chercheur associé en géographie du sport à l’université Rennes-II. Ce spécialiste de la mondialisation du rugby expose que « le Japon ou la Géorgie ont réussi à développer la discipline, mais sans parvenir à rivaliser au plus haut niveau ».
« L’écart se resserre »
Devenue gros poisson dans le petit bocal du Tournoi des six nations B, la Géorgie déplore de ne pas avoir davantage l’occasion d’affronter l’élite du rugby. « La seule façon de continuer à nous améliorer est d’affronter des équipes de premier plan fréquemment, insistait Ioseb Tkemaladze, le président de la Fédération géorgienne de rugby, interrogé à l’automne 2021. Si l’on veut que le rugby se développe dans le monde, certaines choses doivent changer. » Afin de permettre, notamment, une meilleure répartition des retombées financières liées aux différentes compétitions.
Lire le reportage (2021) :Article réservé à nos abonnés Pour la Géorgie, le chemin du rugby passe par la France
Reste que la différence de niveau – qui a longtemps évoqué de larges douves – devient, petit à petit, fossé. « L’écart se resserre et c’est une bonne chose pour le rugby, de manière générale, a salué le sélectionneur fidjien, Simon Raiwalui, après que ses hommes ont terrassé l’Angleterre à Twickenham (30-22), le 26 août, pour boucler leur préparation. C’est vraiment bien d’être témoin de la progression d’équipes qui ont historiquement eu du mal. » Pour le technicien fidjien, dont l’équipe se trouve dans un groupe équilibré, avec notamment le Pays de Galles et l’Australie, et ambitionne d’aller loin, ces progrès s’expliquent en partie par « davantage d’équité, désormais, en termes de préparation » : comme la plupart des « grandes » équipes, les Fidji ont bénéficié cet été de près de deux mois de stage, et « en constatent les bénéfices ».
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