D’ordinaire, les audiences de fixation déplacent peu les foules. Avocats et magistrats y préparent la tenue de long procès en échangeant sur le calendrier, les vices de procédure qui seront soulevés ou les parties civiles qui souhaitent se constituer. Jeudi 5 septembre, l’audience de fixation du procès sur les soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, qui doit se tenir à partir du 6 janvier 2025 au tribunal de Paris et dans lequel l’ancien président de la République est renvoyé aux côtés de douze autres personnes, a pourtant eu des airs d’audience au fond.
Dans une vaste salle aux bancs garnis, Me Christophe Ingrain, l’un des avocats de la défense, a remis en cause l’authenticité d’un document « à la genèse de l’enquête » – une note publiée par Mediapart en 2012 dans laquelle le chef des services de renseignement extérieur libyens, Moussa Koussa, mentionne l’engagement pris par Tripoli de verser 50 millions d’euros à la campagne de Nicolas Sarkozy. Or, « si cette note est un faux (…), la construction bâtie sur ce vide s’effondre », affirme l’avocat.
Me Ingrain va plus loin. Il accuse le Parquet national financier (PNF) et un enquêteur de « dissimulation [d’]élément[s] à décharge », ces derniers n’ayant pas joint au dossier du financement libyen deux documents contestant l’authenticité de la note de Moussa Koussa. Ils en avaient connaissance via une deuxième procédure concernant Nicolas Sarkozy qu’ils menaient en parallèle – l’enquête sur la rétractation impromptue et médiatisée en novembre 2020 de Ziad Takieddine.
Ces deux documents – une « analyse » déclassifiée des services de renseignement français et l’audition d’un ancien officier de renseignement libyen travaillant à l’ambassade de Libye en France – listent un certain nombre d’éléments qui « établissent le caractère faux du prétendu document officiel libyen », selon l’avocat. Il cite notamment « l’incohérence entre les deux calendriers [français et libyen, présents dans le document], la mention d’une réunion tenue à une date correspondant à un vendredi – jour de repos en Libye excluant toute réunion – [ou encore] la couleur verte de l’encre utilisée pour la signature de Moussa Koussa normalement réservée au seul usage de Mouammar Kadhafi ».
« Tordre la vérité »
L’avocat prie enfin le tribunal de demander aux services de renseignement français l’ensemble des notes blanches relatives « à la note libyenne et (…) aux accusations de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy », espérant y trouver d’autres éléments pour sa défense. Une demande aucunement « dilatoire », affirme-t-il, malgré l’impossibilité de tenir le procès si ces documents ne parvenaient pas à temps.
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