jeudi, septembre 19

Chaque année, 400 millions de tonnes de déchets plastiques sont produites dans le monde, dont une grande partie a été jetée après quelques minutes d’utilisation seulement.

Les négociateurs espèrent parvenir en 2024 à un premier traité mondial contre la pollution plastique, mais dans cinq pays très différents, l’AFP a constaté que le plastique à usage unique reste extrêmement populaire en tant que choix bon marché et pratique, illustrant les défis à venir.

Bangkok

Dans une rue de Bangkok bordée de vendeurs ambulants, les clients font la queue pour les célèbres gourmandises traditionnelles de Maliwan.

Des gâteaux cuits à la vapeur — verts avec des feuilles de pandan ou bleus avec des pois papillon — sont placés dans des sacs en plastique transparent, à côté de rangées de pudding au taro dans des boîtes en plastique.

Ce petit commerce fondé il y a 40 ans utilise chaque jour au moins deux kilos de plastique à usage unique.

« Le plastique est simple, pratique et bon marché », souligne la propriétaire, Watchararas Tamrongpattarakit, 44 ans.

Les feuilles de bananier, autrefois courantes, sont devenues de plus en plus chères et difficiles à trouver, en plus d’être contraignantes à utiliser, car il faut nettoyer chaque feuille et vérifier qu’elle n’est pas déchirée.

La Thaïlande a commencé à limiter les plastiques à usage unique avant la pandémie de Covid, en demandant aux grands détaillants de ne plus distribuer de sacs gratuits.

Mais cette politique est largement restée lettre morte et les vendeurs ambulants de produits alimentaires ne l’ont guère adoptée.

La Thaïlande produit deux millions de tonnes de déchets plastiques par an. La Banque mondiale estime que 11% de ces déchets ne sont pas collectés et sont brûlés, jetés à même le sol ou déversés dans les rivières et les océans.

Watchararas s’efforce de regrouper les achats dans un nombre réduit de sacs et certains clients apportent leurs propres récipients et sacs réutilisables.

Mais Radeerut Sakulpongpaisal, une cliente de Maliwan depuis 30 ans, trouve le plastique « pratique », bien qu’elle comprenne aussi « l’impact sur l’environnement ».

Lagos

Sur le marché d’Obalende, au coeur de la capitale économique du Nigeria, Lagos, des sachets d’eau vides jonchent le sol.

Chaque jour, Lisebeth Ajayi voit des dizaines de clients déchirer avec leurs dents les sachets d' »eau pure » et boire.

« Ils n’ont pas les moyens d’acheter de l’eau en bouteille », explique cette femme de 58 ans, qui vend des bouteilles et des sachets d’eau, du savon et des éponges.

Deux sachets de 500 ml se vendent entre 50 et 250 nairas (2-13 centimes d’euros), contre 250 à 300 nairas pour une bouteille de 750 ml.

Depuis leur apparition dans les années 1990, les sachets d’eau sont devenus un polluant majeur dans une grande partie de l’Afrique, mais ils restent populaires pour boire, cuisiner et se laver.

Quelque 200 entreprises produisent des sachets à Lagos et même si plusieurs centaines d’autres recyclent le plastique, la plupart des déchets finissent sur le sol dans un pays où les poubelles publiques sont peu nombreuses et où l’éducation à l’environnement est peu développée.

Lagos a interdit le plastique à usage unique en janvier, mais l’impact a été limité jusqu’à présent.

Les Nations unies estiment que jusqu’à 60 millions de sachets d’eau sont jetés chaque jour au Nigeria.

Rio

Chaque jour, des vendeurs arpentent le sable de certaines des plus belles plages de Rio de Janeiro, au Brésil, transportant des récipients métalliques remplis de maté, une boisson semblable au thé.

Le breuvage glacé, infusé de jus de fruits, est distribué dans des gobelets en plastique aux adeptes du bronzage qui se pressent le long du front de mer.

« Boire du maté fait partie de la culture de Rio de Janeiro », raconte Arthur Jorge da Silva, 47 ans, à l’affût de clients.

Il reconnaît l’impact environnemental de ses tours de gobelets en plastique, dans un pays classé quatrième producteur de déchets plastiques en 2019.

Mais « c’est compliqué » de trouver des alternatives abordables, dit-il à l’AFP.

Selon lui, les vendeurs de maté sur la plage utilisent du plastique depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne.

Il paie un dollar pour une tour de 20 gobelets et fait payer aux clients 1,80 dollar par boisson.

Les poubelles situées le long des plages de Rio reçoivent quelque 130 tonnes de déchets par jour, mais le plastique n’est pas trié et seuls 3% des déchets brésiliens sont recyclés chaque année.

Evelyn Talavera, 24 ans, affirme qu’elle fait de son mieux pour nettoyer lorsqu’elle quitte la plage. « Nous devons prendre soin de notre planète, jeter les déchets, garder l’environnement propre. »

Les pailles en plastique sont interdites dans les restaurants et les bars de Rio depuis 2018 et les magasins ne sont plus tenus de fournir des sacs en plastique gratuitement — bien que beaucoup le fassent encore.

Le Congrès brésilien envisage également une législation qui interdirait tout plastique à usage unique.

Paris

En France, dans un pays qui interdit de nombreux objets en plastique depuis plusieurs années, les gobelets, pailles ou fourchettes en plastique ont certes quasiment disparu, mais un article fait de la résistance: le sac.

« Un sac ? Et voilà ». Sur le marché d’Aligre, à Paris, la vingtaine d’étals présentent la même configuration: des fruits, des légumes et une flopée de sacs plastiques.

Laurent Benacer, maraîcher depuis 35 ans, se fournit « par cartons de 2.000, à 24 euros l’unité, ils me font une semaine ».

La plupart sont estampillés « réutilisable et 100% recyclable ». Car si les sacs plastiques à usage unique sont interdits en France depuis 2016, les sacs réutilisables (en plastique légèrement plus épais), « biosourcés » ou compostables sont toujours distribuables.

« Le biosourcé (à base de matières premières naturelles, NDLR) n’a strictement aucun intérêt. Ce qui est important, c’est la biodégradabilité en condition naturelle », indique cependant Nathalie Gontard, de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Sur le marché, commerçants et riverains se renvoient la balle. « A Paris, tout le monde nous demande des sacs. J’avais arrêté, mais comme les voisins ont continué, j’ai été obligé de reprendre », se désole Laurent Benacer.

Les alternatives existent, à l’instar des poches en papier kraft. Mais « le sac plastique reste pratique, pour ne pas tout éparpiller », résume Catherine Salé, riveraine de 80 ans.

Dubaï

Au restaurant Allo Beirut à Dubaï, les contenants en plastique sont empilés, attendant d’être remplis et livrés à travers la ville.

« Nous recevons plus de 1.200 commandes par jour », assure Mohammed Chanane, responsable des livraisons, précisant utiliser « des boîtes en plastique parce qu’elles sont plus hermétiques et qu’elles préservent mieux les aliments. »

Avec peu de piétons et un climat souvent brûlant, les 3,7 millions d’habitants de Dubaï comptent sur la livraison pour tout, de l’essence au café.

Les habitants des Emirats arabes unis produisent l’un des plus grands volumes de déchets par habitant au monde et le plastique à usage unique représente 40% de l’ensemble du plastique utilisé dans le pays.

Depuis le mois de juin, les sacs en plastique à usage unique et plusieurs articles similaires sont interdits. Les récipients en polystyrène suivront l’année prochaine.

Allo Beirut envisage d’utiliser des conteneurs en carton, une mesure que Youmna Asmar, une cliente, accueillerait favorablement.

Elle avoue être horrifiée par l’accumulation de plastique dans ses poubelles après un week-end de commandes familiales.

« Je me dis que si tout le monde fait pareil, c’est beaucoup », souffle-t-elle.

burs/sah/lpa/tmt

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