En Europe, on répète que l’absence de géants technologiques viendrait d’un manque de capitaux. Investisseurs, entrepreneurs et responsables politiques affirment que l’« Europe manque d’argent » et qu’il faudrait surtout financer la croissance des start-up. C’est une erreur d’analyse commode : elle permet d’annoncer des plans massifs sans réformer, et d’alimenter fonds et start-up sans s’interroger sur les véritables blocages. La vraie question demeure : pourquoi le capital privé n’investit-il pas davantage en Europe alors que l’épargne y est immense ?
Le nouveau fonds Scale-up Europe illustre cette illusion : la Commission européenne répond par des milliards à un problème structurel. Monter une start-up est difficile partout, mais aux Etats-Unis, les investisseurs offrent réseau, accompagnement et ouverture directe sur un marché continental de 330 millions d’habitants. L’accès précoce à un marché homogène est un avantage déterminant, et l’Europe en est dépourvue. Résultat : aucune des 20 plus grandes entreprises tech et des 20 start-up les plus valorisées ne se trouve en Europe.
Chez nous, 27 réglementations, fiscalités et marchés publics fragmentent le continent. Une autorisation peut prendre deux ans dans un pays voisin sans raison claire. Le marché unique existe en théorie, mais pas dans les faits. Cela explique bien plus les différences de valorisation que l’idée d’un prétendu « manque de capital ». Comme l’a rappelé le rapport [remis par Enrico] Letta en avril 2024, sans marché unique effectif, l’épargne européenne ne trouve pas sa place dans l’économie réelle du continent.
Barrières administratives
Injecter plus d’argent public est vain si les conditions de rendement et de sortie ne changent pas. Quand un fonds américain investit dans une start-up européenne, il lui ouvre le marché américain et accroît immédiatement son potentiel, justifiant des valorisations plus élevées. C’est une récompense rationnelle, et non pas une question d’audace, à laquelle nos licornes dites « souveraines » ont souvent cédé.
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