Shirine Boukli s’était fait un film, une belle histoire de conquête olympique, pour laquelle elle avait imaginé un dénouement très précis. « Je serais la première médaille française du judo aux Jeux de Paris, pour lancer l’équipe de France. Une médaille en or, et pour me faire le film jusqu’au bout, je gagnerais ma finale sur ippon », confiait la Française à la presse, quelques jours avant son entrée en lice dans le tournoi olympique, samedi 27 juillet dans l’Arena du Champs-de-Mars.
La Japonaise Tatsumi Tsunoda a certes balayé une partie du scénario en retournant la Française sur le dos après une minute de combat, en quart de finale du tableau des moins de 48 kg. La triple championne du monde, invaincue depuis 2021, s’est d’ailleurs adjugé le titre dans cette catégorie, face à la Mongole Bavuudorjiin Baasankhüü, plus tard dans la journée.
Mais l’histoire reste touchante comme le sourire éclatant de la jeune judoka qui s’amuse à porter des grillz, ces ornements dentaires façon diamants, « trop stylés » selon ses mots, et des ongles tous différemment vernis. On retiendra aussi le geste de l’ancien champion olympique David Douillet, soulevant la jeune athlète à l’issue son dernier combat, avant que le président Emmanuel Macron, puis le footballeur Zinédine Zidane, présents dans les tribunes de la salle chauffée à blanc, ne la félicitent à leur tour.
Un père et un oncle judokas
Et s’il fallait trouver un titre efficace à ce film prometteur, on pourrait opter pour « La Revanche ». Car la native de Nîmes avait à cœur d’effacer à Paris le souvenir douloureux des Jeux 2021, où elle avait été éliminée d’entrée de jeu alors que le judo hexagonal plaçait déjà de gros espoirs en elle. Seule Tricolore à rentrer bredouille de Tokyo, elle est désormais la première Française médaillée aux Jeux de Paris, ouvrant par la même occasion le compteur des médailles pour les Bleus du judo.
« Tokyo restera à jamais une partie de ma vie, j’y pense toujours, je ne peux pas oublier, ça fait partie de mon apprentissage », confiait la Française en février, après son succès lors du Grand Slam de Paris. Un cheminement qui s’est construit au fil des compétitions internationales, et des titres, collectés depuis 2021. Shirine Boukli, déjà championne d’Europe en 2020, a renouvelé cette performance en 2022 puis de nouveau en 2023, à Montpellier, près du village de Théziers, dans le Gard, où elle a grandi, dans une famille dont le père et l’oncle sont judokas.
« Je viens d’un tout petit club, d’une région paumée », relativise-t-elle. Elle franchit un cap en intégrant l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) : « Là, tu te dis que tu rentres dans la cour des grands, que tu es potentiellement un espoir du judo français. » Sélections, tournois, premier titre européen en 2020, puis la désillusion des JO de Tokyo. Elle va reprendre ensuite peu à peu confiance, avec l’aide d’un préparateur mental et de son entraîneuse en équipe de France, Séverine Vandenhende. « Shirine a montré aujourd’hui qu’elle était capable de se remobiliser après une défaite [contre Tsunoda lors de son troisième combat de la journée], d’avoir les crocs, se félicite cette dernière. La pression des Jeux, la pression d’être à Paris, la pression d’ouvrir le bal des médailles, ça a été un peu compliqué, mais elle a su la gérer. »
Il vous reste 31.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.