La porte de l’appartement s’ouvre, samedi 28 septembre, sur le visage angoissé et fatigué d’un soldat de 24 ans. Cela fait sept jours que Serhiy Hnezdilov a pris une décision radicale en annonçant publiquement sa décision d’« abandonner sans y avoir été autorisé » son unité de la 56e brigade d’infanterie mécanisée « jusqu’à l’établissement de conditions de service claires » ou jusqu’à son 25e anniversaire, l’âge légal pour être mobilisable. Une manière désespérée de protester pour attirer l’attention sur l’absence de perspectives de démobilisation pour des soldats engagés depuis le début de l’invasion, alors que l’armée peine toujours à recruter suffisamment d’hommes pour les remplacer. « Nous ne pouvons pas continuer ainsi : qu’un homme soit amené à défendre le pays jusqu’à la fin de sa vie, tandis qu’un autre continue à simplement vivre normalement », explique Serhiy Hnezdilov.
Le message, publié sur Facebook, a déclenché de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux et dans les médias du pays. Certains y voient un geste salutaire, quand d’autres critiquent une décision irresponsable qui pourrait inciter à d’autres désertions, alors que les forces armées de Kiev ne cessent de reculer face aux assauts de l’armée russe sur le front du Donbass.
La portée de l’acte a eu d’autant plus d’écho que le jeune homme, engagé volontaire dès 2019 lors de la guerre du Donbass pour combattre sur le front de Pisky, dans la région de Donetsk, avait déjà une petite renommée d’activiste et de soldat qu’il entretenait via sa page Facebook. Serhiy Hnezdilov était également connu pour les longues interviews de personnalités ukrainiennes, souvent des politiques ou des activistes, qu’il réalisait en tant que journaliste pour le média ukrainien Hromadske, ainsi que pour sa participation à l’organisation d’un festival sur la culture nationale, dans le sud du pays. Des activités qui lui valent désormais de nombreuses critiques sur les réseaux quant à sa légitimité de combattant. « Je l’ai toujours fait sur mes temps de vacances », justifie-t-il calmement.
« Ils me cherchent »
Depuis son retour dans la capitale, Serhiy Hnezdilov change de téléphone et d’appartement régulièrement, craignant de se faire arrêter par les autorités et renvoyer sur le front. « Ils me cherchent », affirme, à tort ou à raison, celui qui enchaîne les cigarettes en observant avec inquiétude les allées et venues sur le parking. Il espère un procès médiatisé pour continuer d’attirer l’attention sur le sujet. Preuve de la sensibilité de son affaire, il affirme que quatre avocats ont déjà refusé sa demande.
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