dimanche, mai 12

« Le Monde » propose en avant-première trois planches du troisième volume de la série magistrale en cours de parution : « Madeleine, résistante » (Dupuis), récit autobiographique de la vie de Madeleine Riffaud, sur proposition du scénariste Jean-David Morvan et de l’illustrateur Dominique Bertail.

La seconde guerre mondiale a « aussi » inspiré les auteurs de bande dessinée. Pas autant, sans doute, que la précédente, source d’innombrables récits ayant pour décor les tranchées de Verdun ou pour héros des « gueules ­cassées » – corpus dominé par l’œuvre monumentale de Jacques Tardi. Moins symbolique, sur le plan iconographique, des horreurs de la guerre, 39-45 a néanmoins donné naissance à l’un des sommets du 9e art : Maus, d’Art Spiegelman, roman graphique publié aux Etats-Unis entre 1980 et 1991 relatant les souvenirs du père de l’auteur, rescapé des camps de la mort. Confronté à l’impossibilité de représenter ce qui ne peut pas l’être (la Shoah), le dessinateur américain avait utilisé le procédé de l’anthropomorphisme, donnant aux juifs l’apparence de souris et aux nazis celle de chats.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : 1944 – Des débarquements à la libération de la France », mai 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Trente-cinq ans avant que soient exécutées les premières esquisses de Maus, un autre illustrateur, Edmond François Calvo, avait usé du même ­système graphique pour raconter la seconde guerre mondiale. Dans La bête est morte !, les Français sont incarnés par des écureuils et des lapins, les Allemands ont des têtes de loup et les Américains de bison libérateur. Scénarisée par Victor Dancette et Jacques Zimmermann, cette autre pièce maîtresse de l’histoire de la bande dessinée présente la singularité d’avoir été réalisée pendant le conflit, et non après – « en direct » ou presque des faits décrits.

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En débarquant en France, les GI vont initier les populations libérées à des produits typiques de l’American way of life : chewing-gums, Coca-Cola, jeans… Mais aussi aux super-héros. L’un d’eux jouit alors, aux Etats-Unis, d’une aura particulière : Captain America, créé en décembre 1940 par Joe Simon (scénario) et Jack Kirby (dessin). Vêtu aux couleurs de la bannière étoilée, le personnage se définit par sa haine des nazis, qu’il combat au gré d’aventures aux forts relents patriotiques. Appelés à servir sous les drapeaux, Simon et Kirby interrompront leur collaboration pendant la guerre. Le second débarquera en Normandie dix jours après le D-Day et participera à la bataille de Metz (27 août-13 décembre 1944) sous les ordres du général Patton. Il évitera de peu une amputation des pieds.

Les canons éteints, la seconde guerre mondiale ne sera pas pour autant délaissée par la bande dessinée. La BD dite « de gare » va s’emparer du conflit, notamment en Grande-Bretagne, avec l’apparition des revues Commando (DC Thomson) et War Picture Library (Fleetway). Héroïsme, reconstitution de batailles, glorification de faits d’armes structurent ces minirécits manichéens mis en images par des dessinateurs étrangers alors peu connus, comme Hugo Pratt, dans un registre va-t-en-guerre situé bien loin de l’humanisme du futur Corto Maltese.

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