Par deux fois en moins de six mois, le ZTF a fait parler de lui dans la prestigieuse revue Nature. Derrière ce sigle se cache une caméra, Zwicky Transient Facility, installée sur un des télescopes du mont Palomar (Californie), qui scrute le ciel avec un champ de visée assez large, y cherchant ce que les astronomes appellent des événements transitoires (passages de comètes ou d’astéroïdes, mais aussi explosions d’étoiles…). Le 30 novembre 2022, on annonçait que le ZTF avait détecté une étoile déchiquetée par un trou noir. Cette fois, dans son numéro du 4 mai, Nature publie une étude américaine montrant un autre événement cosmique aussi brutal qu’inédit : l’absorption d’une planète géante par son étoile.
Tout a commencé en mai 2020. Le premier auteur de l’article, Kishalay De, postdoctorant au Massachusetts Institute of Technology, examinait des données du ZTF à la recherche d’éruptions lumineuses dans des systèmes d’étoiles doubles. « Une nuit, raconte-t-il, j’ai remarqué que l’éclat d’une étoile avait augmenté d’un facteur 100 en l’espace d’une semaine, sans crier gare. Je n’avais jamais vu une telle bouffée stellaire de ma vie. » Que se passait-il là-haut ?
Afin de le savoir, Kishalay De et plusieurs collègues astrophysiciens ont collecté des données supplémentaires provenant d’autres instruments, pour voir ce qui s’était passé avant et après ce subit gain d’éclat. Et ils ont procédé par élimination. Le premier réflexe d’un astrophysicien face à un tel phénomène consiste à penser à une nova classique. Imaginez une étoile double moribonde dont l’une des composantes est une géante rouge en fin de vie et l’autre, une naine blanche, sorte de cadavre stellaire encore chaud et extrêmement dense. Cette dernière arrache à sa compagne de la matière, qui « s’entasse » à sa surface, jusqu’à ce que tout ce gaz accumulé produise une explosion thermonucléaire. Et un beau flash.
Une nova rouge
Les auteurs de l’étude ont dû écarter ce scénario, car les données recueillies ne collaient pas. Le phénomène de mai 2020 n’avait pas donné lieu à une fantastique et brève expulsion de gaz très chaud. Au contraire, pendant des mois après le sursaut lumineux, on notait que l’astre relâchait régulièrement dans l’espace du matériel plutôt froid, bien visible dans l’infrarouge. Les chercheurs se sont alors orientés vers un type moins connu – et aussi plus calme – de nova, la nova rouge, qui signale la fusion de deux étoiles.
Mais là encore il y avait un hic. En reprenant les mesures de l’événement originel, Kishalay De et ses comparses se sont aperçus que la quantité d’énergie émise était ridiculement faible par rapport à ce qu’elle aurait dû être si une étoile en avait absorbé une autre. Mille fois plus faible environ. Ce qui avait été « gobé » devait donc être mille fois moins massif qu’une étoile. Or, quand on sait que, dans notre Système solaire, la plus imposante des planètes, la géante gazeuse Jupiter, a une masse valant presque exactement le millième de la masse du Soleil, la conclusion n’était pas compliquée à trouver : ce que le ZTF avait observé, à 12 000 années-lumière de la Terre, était l’absorption d’une planète géante par son étoile.
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