Et, pourtant, elles tournent ! S’inspirant de la phrase légendaire de Galilée pour qui c’est bien la Terre qui tourne autour du Soleil et non le contraire, cette tirade modifiée pourrait résumer la nouvelle découverte d’un trio d’astronomes de l’Observatoire de Paris-PSL publiée dans Physical Review X, le 3 mai. Federico Mogavero, Nam H. Hoang et Jacques Laskar ont enfin compris pourquoi nos huit planètes et notre Soleil ne se sont pas transformés en gigantesque billard, avec des corps entrant en collision les uns avec les autres. Autrement dit, pourquoi ce bel agencement paraît si stable depuis au moins trois milliards d’années, malgré les interactions gravitationnelles entre toutes ces « boules ».
Cette question se pose, en fait, depuis Newton, qui, le premier, décrit les forces qui s’exercent entre ces corps et prédit les trajectoires elliptiques des planètes autour du Soleil. Il pense que les perturbations entre planètes existent, mais que Dieu, de temps en temps, remet un peu d’ordre pour éviter le grand chamboule-tout.
Au début du XXe siècle, le mathématicien Henri Poincaré démontre que, dès que plus de trois corps sont impliqués, le Système est, en fait, chaotique, c’est-à-dire que les prévisions de trajectoires deviennent impossibles ; certaines divergeant dramatiquement des orbites elliptiques. Mais, pendant longtemps, les astronomes se sont rassurés, en estimant que les temps au bout desquels ce chaos apparaîtrait seraient très longs. Erreur ! En 1989, Jacques Laskar démontre que les divergences se manifestent au bout de… 5 millions d’années seulement. Il précise même que toute prédiction de trajectoire au-delà de 60 millions d’années est impossible. Inversement, retracer les positions des planètes plus de 60 millions d’années en arrière est également illusoire…
Objets titubant au bord d’une falaise
En 2009, l’astronome calcule que la plus petite « boule » du billard, Mercure, aurait 1 % de risque d’entrer en collision avec Vénus dans les 5 milliards d’années à venir, durée de vie estimée de notre étoile. La faute à une entrée en synchronisation ou en résonance de Mercure avec le mouvement de la planète géante Jupiter, qui conduit à transférer de l’énergie de la grosse vers la petite, jusqu’à la dévier de son orbite.
« La question qui restait en suspens était de savoir pourquoi cette probabilité de collision était si faible, compte tenu de la durée de 5 millions d’années calculée précédemment », rappelle Jacques Laskar, qui vient donc de proposer avec ses collègues une explication. Dans ce but, un million d’heures de calcul et des horizons de temps poussés jusqu’à 100 milliards d’années, sur des milliers de trajectoires, ont été nécessaires.
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