C’était il y a cinq mois, dans la nuit du 26 au 27 septembre 2022. A 11 millions de kilomètres de la Terre, la sonde DART (Double Asteroid Redirection Test) de la NASA, lancée à plus de 22 000 kilomètres à l’heure, percutait intentionnellement Dimorphos, petit astéroïde satellite d’un astéroïde plus gros, Didymos. But de cette expérience : voir si un impacteur somme toute modeste (580 kilos) pouvait dévier de sa trajectoire un objet de plusieurs millions de tonnes, avec l’idée d’apprendre à protéger notre planète d’un futur « astéroïde tueur ». La réponse, positive, est tombée deux semaines plus tard. Mais les astronomes sont évidemment allés plus loin que ce simple oui et tirent les leçons de DART dans une rafale de cinq articles publiés par Nature mercredi 1er mars.
Le choix de Dimorphos n’a pas été laissé au hasard. Non seulement cet objet est de petite taille (150 mètres de diamètre environ) et accessible, mais les astronomes observent le couple qu’il forme avec Didymos depuis une vingtaine d’années. Ils connaissaient donc avec précision la période de révolution de Dimorphos autour de son voisin avant la rencontre avec DART : onze heures et cinquante-cinq minutes. Après l’impact, cette période a été réduite de trente-trois minutes, ce qui indique que l’événement a rapproché l’astéroïde de Didymos.
Par rapport aux résultats préliminaires révélés en octobre 2022, plusieurs nouveautés apparaissent dans les cinq articles de Nature, explique Patrick Michel qui en a cosigné trois. « Tout d’abord, on donne une estimation de la quantité de mouvement qui a été transmise à Dimorphos, ce qui mesure vraiment l’efficacité de la manœuvre », insiste ce spécialiste des astéroïdes, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Effet démultiplicateur
Les chercheurs, qui s’attendaient à une réduction de la période de révolution d’environ sept minutes, ont été surpris de voir que l’impact avait été très efficace. En atteignant Dimorphos, DART ne s’y est pas enfoncé comme dans de la pâte à modeler. Au contraire, le choc a éjecté beaucoup de matière dans l’espace. En raison du principe action-réaction, les éléments expulsés dans un sens ont poussé Dimorphos dans l’autre sens, ce qui a amplifié la déviation d’un facteur au moins égal à deux. Cet effet démultiplicateur pourrait être encore plus important mais les chercheurs, ignorant la densité et la masse exactes de Dimorphos, restent prudents.
« Le deuxième aspect intéressant, poursuit Patrick Michel, c’est que nous proposons un modèle de forme de Dimorphos, à partir des images en 2D que DART a transmises au cours de son approche. Dimorphos a une forme de Smarties, aplatie, alors qu’on s’attendait plutôt à une forme allongée, un peu comme un ballon de rugby. » Enfin, l’analyse des photographies confirme la grande diversité géologique de Dimorphos, dont la surface semble intégralement recouverte de rochers de toutes tailles, plus ou moins enfouis. Si cela se différencie de ce que la sonde japonaise Hayabusa a vu en 2005 sur l’astéroïde Itokawa, où l’on distinguait des zones lisses faites de graviers, la surface de Dimorphos rappelle beaucoup celles de Ryugu et Bénou, astéroïdes récemment visités par les sondes japonaise et américaine Hayabusa-2 et Osiris-Rex. Cela suggère que la structure interne n’est pas monolithique mais s’apparenterait plutôt à un agrégat hétérogène.
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