Si le nom de Mathieu Avanzi ne vous évoque rien, vous avez en revanche probablement vu une des cartes où ce dialectologue dessine l’aire géographique de certains mots ou expressions de nos régions. Où dit-on « crayon à papier », « crayon de papier », « crayon gris », « crayon de bois », « crayon mine » ? Des cartes qui suscitent dans la population des discussions amusées sur le parler de chacun, voire des débats quasiment fratricides, ainsi que le remarque avec humour son confrère Médéric Gasquet-Cyrus, sociolinguiste à l’université Aix-Marseille : « Avec sa carte sur le pain au chocolat et la chocolatine, il a fracturé la France plus que ne l’a fait la réforme des retraites ! »
Il faut voyager jusqu’à Neuchâtel (Suisse) pour rencontrer Mathieu Avanzi, qui, à bientôt 42 ans, est professeur dans l’université de la ville, chargé du Centre de dialectologie et d’étude du français régional. Une voix aussi douce que sa barbe est broussaille. Un bureau où s’alignent les plantes vertes et la quinzaine de tomes vénérables de l’Atlas linguistique de la France (ALF), publié au début du XXe siècle par Jules Gilliéron et le curieusement nommé Edmond Edmont, qui ont précédé Mathieu Avanzi dans le domaine de l’exploration des français – car pluriel il y a – parlés dans l’Hexagone.
D’abord tenté par la philosophie et le journalisme, ce Savoyard entreprend un peu par hasard un cursus universitaire dans les sciences du langage. Une option « français régional » en troisième année de licence l’oriente vers la géographie linguistique. Il y consacre son mémoire de maîtrise, qui intéresse Marie-José Béguelin. Cette enseignante à l’université de Neuchâtel l’invite à faire sa thèse en Suisse sur des questions pointues d’intonation. Il enchaîne ensuite les post-doctorats et les bourses en Belgique, en France, au Royaume-Uni et en Suisse.
En 2018, à 37 ans, il met fin à cette précarité en prenant un poste de maître de conférences à Sorbonne Université, où il restera quatre ans à peine. « Je n’étais pas malheureux à la Sorbonne, reconnaît-il, mais c’est une université “old school”, très hiérarchisée, avec des amphis surchargés, beaucoup d’étudiants sur leur portable ou leur ordinateur, qui ne peuvent pas se concentrer. Il faut oublier les cours magistraux pendant une heure et trouver une manière d’enseigner où l’on peut manipuler les téléphones. » A cela s’ajoutent la pandémie de Covid-19 et ses cours à distance… Alors, quand un poste se libère à Neuchâtel, Mathieu Avanzi postule, est pris, et fait ses valises. « Les conditions sont très différentes, beaucoup plus intéressantes sur le plan matériel. Et en Suisse n’entre à l’université que la crème de la crème… »
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