L’Europe n’est pas encore prête pour la guerre des étoiles, mais elle commence à s’y préparer. Vendredi 10 mars, l’Union européenne (UE) a publié sa toute première « stratégie spatiale pour la défense et la sécurité ». Alors que les Etats-Unis, la Chine, la Russie et, depuis 2019, la France disposent d’une telle stratégie et d’un commandement spatial, l’Union européenne n’en est pas vraiment encore là. Elle gère de nombreux programmes spatiaux civils, qu’il s’agisse de Galileo, le système européen de géolocalisation, ou de Copernicus, une constellation de satellites d’observation, mais elle s’est toujours refusée à développer des applications de ces outils pour la défense. Longtemps, ces questions ne relevaient que de la responsabilité des Etats souverains.
Les choses changent. Lors de la présidence française de l’UE, début 2022, Paris avait poussé pour que les Vingt-Sept se dotent d’une stratégie spatiale commune pour la défense. Et vendredi, la Commission et le Service européen pour l’action extérieure l’ont dévoilé, presque en catimini. Et pourtant, relève Olivier Lemaitre, le secrétaire général d’Eurospace, le lobby du spatial, la publication de ce texte d’une vingtaine de pages est un véritable événement : « C’est même un miracle, cela fait vingt ans que l’on attendait cette stratégie ! »
« Le Parlement européen l’attendait de pied ferme, confirme Christophe Grudler, eurodéputé Renew, spécialiste de ce secteur. L’Europe sort enfin de la naïveté sur ces sujets. » Alors qu’un petit nombre de pays, parmi lesquels la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, sont très engagés sur les questions spatiales, « l’une des prouesses de ce texte, c’est d’avoir mis les Vingt-Sept au même niveau de compréhension des menaces dans l’espace », relève le général Michel Friedling, l’un des auteurs de la stratégie française de défense spatiale, publiée en 2019.
« Ce texte va crédibiliser les Vingt-Sept dans ce domaine d’opérations », confirme Béatrice Hainaut, chercheuse à Paris à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem). Depuis une quinzaine d’années, l’espace est considéré comme une zone de conflictualité comme une autre. En novembre 2021, la Russie détruisait ainsi l’un de ses anciens satellites pour démontrer ses capacités, et les débris, disséminés dans l’espace par cette action, ont menacé de nombreux satellites et même la Station spatiale internationale.
« Outre cette destruction, les menaces dans l’espace sont de tous ordres, rappelle un spécialiste du secteur. Il y a également de l’espionnage des satellites ou des actions plus hostiles comme le fait de tourner autour d’un satellite pour bloquer toute communication… Certains acteurs, et notamment la Chine, ont aussi montré qu’ils savaient saisir un satellite et l’éjecter d’une orbite. Pour l’Europe, détecter ces activités devient nécessaire. »
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