Médecin et chercheur, Jean-Philippe Empana dirige, avec Xavier Jouven, l’unité de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Epidémiologie intégrative des maladies cardio-vasculaires, au Centre de recherche cardio-vasculaire de Paris. Il a coordonné une étude, publiée le 17 mai dans le Journal of the American Heart Association, qui montre que les femmes lesbiennes ou bisexuelles ont des scores de santé cardio-vasculaire moins élevés que les femmes hétérosexuelles. En revanche, les hommes gay et, dans une moindre mesure, les hommes bisexuels ont une meilleure santé cardio-vasculaire que les hommes hétérosexuels.
Pourquoi avoir travaillé sur la santé des minorités sexuelles ?
Depuis 2016, mon équipe s’intéresse au nouveau concept de prévention primordiale des maladies cardio-vasculaires, dont l’objectif est d’empêcher l’apparition de facteurs de risque (tabac, sédentarité, obésité, diabète, hypertension…) dans le but de tendre vers une santé cardio-vasculaire dite « idéale » et ainsi de réduire le risque de ces pathologies. Elle se situe en amont de la classique prévention dite « primaire », qui consiste à agir sur des facteurs de risque déjà présents.
En travaillant sur cette approche, nous avons observé que moins de 10 % de la population générale avait une santé cardio-vasculaire dite « idéale » et, dans un souci d’équité, nous avons commencé à travailler sur les disparités dans ce domaine. Parallèlement, depuis une vingtaine d’années, des travaux menés aux Etats-Unis et aux Pays-Bas ont révélé des différences en termes de facteurs de risque [d’accident] cardio-vasculaire en fonction de l’orientation sexuelle. Mais ils ne s’intéressaient qu’à un facteur de risque à la fois. Nous avons souhaité savoir ce qui se passait en France en ayant une approche plus globale de la santé cardio-vasculaire.
Comment avez-vous procédé ?
Trois équipes de recherche sont impliquées, la mienne, avec notamment Omar Deraz, doctorant dans l’équipe et qui est à l’origine du projet ; celle des épidémiologistes Marie Zins et Marcel Goldberg, à l’origine de la plate-forme de recherche Constances ; et trois chercheurs américains qui avaient déjà travaillé sur le sujet sur des populations américaines. Constances est une cohorte qui a recruté 200 000 adultes âgés de 18 à 64 ans dans une vingtaine de centres d’examens de santé en France, entre 2012 et 2020. En plus d’un bilan de santé, les participants ont répondu à un questionnaire spécifique sur leur orientation sexuelle. Pour les femmes et les hommes, nous avons ainsi constitué quatre groupes : hétérosexuels, homosexuels (gays ou lesbiennes), bisexuels et « ne souhaitant pas s’exprimer ».
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