Le profil génétique d’une femme identifié sur une perle du paléolithique

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A la frontière de la génomique et de la préhistoire, les paléogénéticiens qui traquent l’ADN dans les vestiges du passé pour retracer l’évolution humaine nous ont habitués, depuis une vingtaine d’années, à leurs exploits. Mais ce n’est pas fini.

Une étude menée par Matthias Meyer, généticien au département de génétique évolutive de l’Institut Max-Planck de Leipzig, et Marie Soressi, archéologue française à l’université de Leiden (Pays-Bas), montre qu’il est désormais possible d’extraire de l’ADN animal et humain d’un objet de parure préhistorique en matière animale, sans le détériorer. Plus précisément, une canine (ou crache) de cerf percée d’un trou pour en faire une perle, exhumée dans la grotte russe de Denisova (monts de l’Altaï en Sibérie).

En analysant les séquences d’ADN obtenues, l’équipe pluridisciplinaire de vingt-trois spécialistes a établi que ce petit pendentif avait été porté par une femme ayant appartenu à une population du nord de l’Eurasie, et ayant vécu entre vingt-cinq mille et dix-neuf mille ans avant aujourd’hui… Tout cela sans détériorer l’objet, comme c’est le cas pour les techniques de recherche d’ADN dans les ossements humains, qui nécessitent de prélever et détruire de la matière organique.

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Publié le 3 mai dans Nature, l’article détaille le nouveau procédé qui a exigé des années de persévérance. « Les objets en matière osseuse du paléolithique qui nous parviennent sont souvent peu nombreux et de petite taille. A partir de 2018, nous avons mis au point une méthode permettant d’extraire l’ADN contenu dans ces objets en os sans avoir à les détruire, en utilisant notamment des ossements d’animaux provenant de la grotte des Cottés dans la Vienne », indique Marie Soressi. « Les matières osseuses contiennent de l’hydroxyapatite, une substance minérale qui absorbe les molécules d’ADN, et il fallait donc trouver un moyen de libérer ces dernières, poursuit Elena Essel, première autrice de l’article. La méthode a consisté à tremper les objets en matière osseuse dans des bains de sels de sodium et de phosphate portés à des températures croissantes tout en les agitant. Le phosphate se lie à l’ADN emprisonné dans les pores du tissu animal et les mouvements permettent d’évacuer les molécules d’ADN, qui sont ensuite séquencées. » Elle a amélioré la méthode des mois durant, avec ses collègues, dans la salle blanche de l’Institut Max-Planck de Leipzig, dans une atmosphère confinée pour éviter les contaminations sur les précieux artefacts.

La dent de cerf percée découverte dans la grotte de Denisova (Sibérie), avant extraction de l’ADN.
La dent de cerf percée découverte dans la grotte de Denisova (Sibérie), après extraction de l’ADN.

Les premiers essais ont été menés à partir de 2018 sur une collection d’objets issus du site français de Quinçay (Vienne), avec un succès partiel. L’ADN des animaux, cerfs ou rennes, dont les objets étaient issus a bien été extrait… Mais l’ADN humain retrouvé était celui des fouilleurs et des archéologues.

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