Pour le grand public, l’expression « pollution lumineuse » évoque ce trop-plein d’éclairage urbain qui rend invisibles quantité d’étoiles. Pour les astronomes, l’expression a une acception supplémentaire : elle désigne aussi les reflets de la lumière solaire produits par les engins spatiaux, qui souillent les images que prennent les télescopes. Dans une étude publiée le 2 mars par Nature Astronomy, une équipe internationale a, pour la première fois, quantifié cette pollution particulière pour le plus célèbre des équipements astronomiques, le télescope spatial Hubble (HST).
Œuvre des agences spatiales américaine et européenne, Hubble a été lancé en 1990 et il vogue aujourd’hui sur une orbite dite « basse », à 538 kilomètres du sol. Les satellites évoluant sur des orbites plus élevées sont donc susceptibles de laisser des traînées sur les clichés à grande durée d’exposition (onze ou trente-cinq minutes) que prennent ses instruments, traînées analogues aux bandes lumineuses que font les phares d’une voiture sur une photo à long temps de pose. Pour le vérifier, les auteurs de l’étude ont exploré les archives du HST avec un algorithme spécialement formé pour cela grâce aux techniques d’apprentissage automatique.
Plus de 150 000 images enregistrées entre 2002 et 2021 par deux des instruments de Hubble ont ainsi été passées au crible. Résultat : 2,7 % des clichés contenaient au moins une traînée laissée par un satellite. Il s’agit d’une moyenne sur toute la période. Lorsque l’on regarde dans le détail, on s’aperçoit que les chiffres augmentent dans le temps, avec notamment l’arrivée des mégaconstellations de satellites (Starlink, OneWeb). Ainsi, pour le premier instrument, on est passé de 2,8 % des images polluées sur la période 2002-2005 à 4,3 % pour le segment 2018-2021. Pour le deuxième instrument, en partant de 1,2 % de photos touchées entre 2009 et 2012, on arrive à 2 % pour la période 2018-2021.
Perte de 1 % des observations
Les auteurs de l’étude reconnaissent que « la fraction des images du HST traversées par des satellites est actuellement petite, avec un impact négligeable pour la science ». Astronome à l’Observatoire européen austral (ESO), le Belge Olivier Hainaut travaille depuis quelques années sur la question de la pollution lumineuse laissée par les satellites et ajoute que les installations terrestres sont moins touchées que Hubble, qui observe vingt-quatre heures sur vingt-quatre : « Pour les télescopes terrestres, on perd de l’ordre de 1 % des observations pendant la première et la dernière heure de la nuit. » Le reste du temps, les satellites qui passent au-dessus des observatoires sont plongés dans l’ombre de la Terre et ne renvoient donc pas la lumière solaire.
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