Né en 1926, le professeur Etienne-Emile Baulieu est un pionnier de la recherche hormonale et l’inventeur de la pilule abortive RU 486, utilisée dans le monde par des dizaines de millions de femmes et que plusieurs Etats américains tentent d’interdire. Membre de l’Académie des sciences, en France et aux Etats-Unis, couronné de nombreux prix, ce médecin chercheur, toujours attentif à la cause des femmes, continue de se rendre chaque jour à son laboratoire du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), avec une soif de découverte intacte.
Je ne serais pas arrivé là si…
Si je n’étais pas le fils d’un médecin remarquable, Léon Blum, un juif alsacien né sous l’occupation allemande, bien avant la guerre de 14-18, et d’une femme indépendante et féministe, Thérèse Lion, avocate et merveilleuse pianiste, qui parlait parfaitement anglais, avait fréquenté les suffragettes à Londres, avant de se consacrer à l’éducation de ses enfants. A vrai dire, j’ai peu connu mon père, puisqu’il est mort en 1930, lorsque j’avais 3 ans.
J’ai donc été élevé dans un environnement exclusivement féminin (mère, grand-mère, sœurs) au sein duquel je me sentais très bien, car j’aime profondément les femmes. J’ai toujours eu envie de les soutenir et de les aider. Mais la réputation de mon père, homme de sciences et humaniste, m’obligeait également. Je voulais être digne de cette famille. On y vénérait le travail, la science, la patrie. On y dédaignait la soif d’enrichissement personnel et les honneurs. Je dirais que j’ai été bien élevé.
Votre père était médecin et vous avez choisi la médecine. Cela ne peut être un hasard…
J’ai pourtant eu cette impression parce qu’après la guerre, bon élève mais indécis sur mon avenir, j’ai simplement suivi en fac de médecine un camarade qui avait fait ce choix. Mais que sait-on des ressorts inconscients ? Ma mère ne souhaitait pas que je devienne médecin. Comme si c’était une profession… mortelle ! Elle n’avait été mariée que quatre ans avec mon père et attribuait sa mort soudaine à son métier.
C’était un grand spécialiste du rein, l’un des tout premiers à utiliser l’insuline pour traiter le diabète. Il était courageux. Mobilisé dans l’armée allemande en 1914, il avait inventé un stratagème incroyable pour renseigner les Alliés : sous prétexte de suivre l’évolution de leur cas, il demandait aux officiers allemands qu’il soignait de lui envoyer chaque semaine un échantillon de leurs urines ! Grâce aux tampons de La Poste, il pouvait ainsi reconstituer les mouvements de leurs régiments et les transmettre aux services français et britanniques.
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