Des souriceaux issus de deux pères et d’une mère porteuse

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En 2018, une équipe de chercheurs chinois était parvenue à obtenir des souriceaux à partir de parents de même sexe. Mais si les rongeurs conçus à partir de deux mères étaient viables, les petits issus de deux pères – et d’une mère porteuse – mouraient quarante-huit heures après leur naissance. Une équipe japonaise vient de surmonter cet obstacle avec une tout autre approche, produisant des ovocytes viables à partir seulement de cellules mâles. L’expérience, publiée dans Nature le 15 mars, avait été présentée une semaine auparavant – ironiquement le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes – lors du troisième sommet international sur l’édition du génome humain, à Londres.

Katsuhiko Hayashi (universités de Kyushu, à Fukuoka, et d’Osaka) et ses collègues se sont appuyés sur une décennie de travaux sur la gamétogenèse, c’est-à-dire la formation des cellules sexuelles mâles (spermatozoïdes) et femelles (ovocytes). En l’occurrence, ce sont ces dernières qui ont été produites à partir de cellules mâles. L’équipe japonaise a mis à profit un phénomène qui est généralement un handicap lors de la mise en culture in vitro de cellules : la perte spontanée de chromosomes, notamment du Y présent dans les cellules mâles, couplé au X – rappelons que les cellules femelles présentent, elles, deux chromosomes X.

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Katsuhiko Hayashi est parti de cellules adultes prélevées dans la queue de souris mâles (XY), traitées pour redevenir des cellules souches pluripotentes, c’est-à-dire capable de se différencier en n’importe quel type cellulaire. In vitro, au fil de leurs divisions, certaines cellules – environ 6 % – ont donc perdu leur chromosome Y. Les cellules en question, dites X0, étaient ensuite placées dans un milieu contenant de la reversine, une molécule qui perturbe la division, ce qui induisait la duplication du chromosome X. Ces cellules XX pouvaient alors être cultivées conjointement avec des cellules fœtales ovariennes, constituant un milieu favorable à leur transformation en ovocytes. Ceux-ci pouvaient alors être fécondés in vitro pour donner des embryons, lesquels étaient ensuite implantés dans des mères porteuses.

Rhinocéros blanc

Au final, sur 630 embryons implantés, 7 ont conduit à la naissance de souriceaux qui, indique Katuhiko Hayashi, « semblent grandir normalement jusqu’au stade adulte », soit un taux de succès de 1,1 %.

Pour Jonathan Bayerl et Diana Laird (Université de Californie, San Francisco) qui commentent ces travaux dans Nature, ceux-ci « ouvrent de nouvelles perspectives en biologie de la reproduction et dans les recherches sur la fertilité ». Tout d’abord pour la recherche fondamentale, en produisant des lignées de souris offrant un fond génétique stable, un peu comme des vrais jumeaux. « Cela pourrait aussi offrir un moyen de sauvegarder des espèces menacées à partir d’un seul mâle, à condition qu’une femelle porteuse de la même espèce ou d’une espèce apparentée soit disponible pour porter les embryons à terme », ajoutent-ils. Incidemment, Katsuhiko Hayashi est impliqué dans un programme de sauvegarde du rhinocéros blanc, le problème étant dans ce cas que seules deux femelles de cette espèce subsistent encore…

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