Serge Planes est directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la génétique des organismes marins et de l’écologie des récifs coralliens. Il a également été le directeur scientifique de l’expédition Tara Pacific.
Vous avez coordonné la recherche lors de l’expédition Tara, cette célèbre mission scientifique en voilier qui n’est pas sans rappeler le projet Deep Life. En quoi ce type d’expéditions est-il nécessaire pour faire progresser la recherche ?
Des expéditions comme Tara ou Deep Life permettent de se focaliser sur une question scientifique pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Ce qui n’est pas possible avec les flottes océanographiques nationales, puisque, dans ce cas de figure, on loue un bateau pour un mois, ce qui nous limite dans la capacité d’intervention sur le milieu étudié. Ces missions longues permettent au contraire d’appréhender la question scientifique sur une échelle spatiale ou temporelle plus importante. On ne peut pas le faire par d’autres moyens aujourd’hui.
De l’aveu d’un grand nombre de scientifiques, les connaissances sur les récifs coralliens présentent encore de nombreuses lacunes. Quelles difficultés la recherche rencontre-t-elle pour progresser dans ces milieux ?
Jusqu’à présent, au-delà de 50 mètres de profondeur, les moyens d’observation principaux étaient ce qu’on appelle des « ROV » (pour Remote Operated Vehicle, « véhicule sous-marin téléopéré »), c’est-à-dire des petits robots ou des petits sous-marins qui permettaient d’obtenir du visuel direct ou par caméra de cet environnement. La mise en place, ces dernières années, de structures qui permettent de plonger dans les milieux mésophotiques [à des profondeurs comprises entre – 30 mètres et – 150 mètres] ouvre la perspective d’appréhender par l’œil humain, par la main – qui reste plus précise – la diversité de ces écosystèmes.
Ces récifs sont confrontés à de nombreuses menaces. Avec la montée des températures océaniques, notamment, comment nos coraux vont-ils évoluer dans les années à venir ?
Il n’y a pas de réponse certaine, car nous avons encore plusieurs inconnues. On peut néanmoins affirmer qu’on est dans une période de régression de la distribution des récifs coralliens. Cette régression est principalement due au réchauffement climatique. Les canicules sous-marines qu’il cause entraînent à leur tour des blanchissements et des mortalités massives à certains endroits. Cette situation n’est pas systématique : il y a des familles de coraux beaucoup plus résistantes que d’autres. Mais ce qui est clair, c’est que cette divergence dans la fragilité et la vulnérabilité des différentes familles va entraîner des transformations de l’écosystème corallien. En conséquence, le visuel du récif corallien, sa composition et sa morphologie vont probablement se transformer dans les années à venir. Cela s’accompagnera de pertes de diversité, avec un important recul de certaines grandes familles moins résistantes, pour ne pas parler d’extinction.
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