Comment 200 vers emmêlés se démêlent en une fraction de seconde

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La photo est belle et le journal, prestigieux. Parue dans la revue Science du 28 avril, elle révèle un sac de nœuds constitué d’environ 200 vers noirs, Lumbriculus variegatus, pour illustrer une étude américaine mêlant les mathématiques, la physique et la biologie. Vishal P. Patil, mathématicien de Stanford (Californie), et Harry Tuazon, biologiste au Georgia Tech d’Atlanta (Géorgie), ont cherché à modéliser la façon dont ces vers parviennent à s’emmêler en quelques minutes et, surtout, à se démêler en quelques centièmes de seconde.

A l’aide d’un appareil d’échographie ordinaire, les chercheurs ont examiné l’intérieur de cette boule vivante, enregistré le mouvement hélicoïdal de chaque animal, tel des vis sans fin, et mis tout cela en équations. Cette branche des mathématiques, la topologie, se consacre aux objets géométriques qui se déforment de façon continue sans se casser, comme des matières élastiques. Selon les auteurs, ces travaux seront utiles pour mettre au point des fibres qui s’auto-assemblent de manière réversible.

« Le problème posé est intéressant, car il existe un grand nombre de types de matériaux dans lesquels des fibres s’entremêlent. Il peut s’agir de polymères, d’ADN, ou même du bois », observe le mathématicien Etienne Ghys, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et chroniqueur régulier au Monde. Ce sujet mobilise la notion de nématique en physique, qui décrit un état intermédiaire de la matière entre des phases cristalline et liquide.

Des vidéos spectaculaires

L’espèce de lombric aquatique retenue pour l’étude vit à proximité de la surface de l’eau. Ces vers ont la particularité de s’emmêler en un paquet pour assurer des fonctions biologiques telles que le maintien d’une température constante afin de se protéger de la chaleur ou du froid, retenir l’humidité ou se déplacer en groupe. Et ils ont la capacité de s’échapper très rapidement de cet enchevêtrement, pour fuir un prédateur en s’éparpillant ou se protéger de menaces environnementales. Les vidéos réalisées par les chercheurs pour leur étude le montrent de façon spectaculaire.

Pour transposer en équations mathématiques l’observation de ce phénomène de la nature, ils ont d’abord modélisé les mouvements de chaque Lumbriculus en deux dimensions, et constaté que les mouvements en hélice évoluaient tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. Ils ont ensuite construit leur modèle dynamique en 3D. « Le modèle révèle que l’alternance des ondes hélicoïdales en résonance permet à la fois la formation d’emmêlements et un démêlage ultrarapide », écrivent-ils. Chaque ver forme un enchevêtrement avec au moins deux autres, et ce qui ressemble à un sac de nœuds n’en comprend en réalité aucun.

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